Avec Béatrix, Balzac atteint la presque perfection. C'est un roman presque parfait, mais ne retenons que le second substantif de cette désignation un peu duraille tout de même. Tout en nous dépeignant la beauté transcendantale d'un amour pur, vertueux, celui de Calyste, Balzac nous plonge dans ce monde vicieux et calculateur de la Capitale, lieu où les passions sont détournées et maîtrisées par la société. SPOILERS BIEN SUR.
Béatrix est attendue par le lecteur pendant une bonne cent-cinquantaine de pages, et cette faculté à le faire languir, Balzac s'en abreuve : il fait de même que plus tard dans La Rabouilleuse.
Mais après avoir été attendue, Beatrix s'avère ne pas être le personnage ni le plus intéressant, ni le plus important du roman (de même que Flore Brazier) : on s'attache plus volontiers aux amours blessés de Calyste ou aux tendres passions de sa femme Sabine. Mais le personnage le plus énigmatique, le plus parfait, le plus grand de ce roman, reste bel et bien la belle, l'élégante, l'érudite Camille Maupin, Mademoiselle ou Félicité des Touches. Alter égo de Georges Sand –avec qui elle se trouve être en compétition-, Camille Maupin, qui elle aussi se fait publier sous un nom masculin, représente l'élévation des femmes dans la société, que l'on traite pourtant de perverse, désobéissante aux bonnes mœurs. La fin de Camille a un aspect totalement tragique. Après avoir eu une vie de malheurs, aimant dans l'âge mur un homme jeune, Camille termine son existence expiant sa vie de pécheresse dans une maison de bonnes sœurs, ce qui est un abandon total de l'espoir en la femme écrivain, la femme artiste.