Beignets de tomates vertes par Maghily
La structure de ce roman est plutôt complexe (du moins, elle n’est pas linéaire) : souvent, nous apprenons un évènement par le récit qu’en fait Ninnie, d’après son point de vue. Vient ensuite, dans les chapitres suivants, le récit plus détaillé de ce même évènement, relaté par un narrateur omniscient. Ce récit est régulièrement complété par des extraits de différentes "gazettes" qui décrivent l’évènement même ou un fait qui s’y rapporte. Pour chaque "source d’information", l’auteure utilise un ton particulier, propre au personnage qui en est l’auteur. On passe donc sans cesse par des flash-back, on voyage à travers toutes les époques (pas nécessairement dans un ordre chronologique), au gré des souvenirs de Ninnie. Par moment, on découvre une partie d’un évènement puis la suite ou le point de départ est expliqué à un tout autre moment (je pense, par exemple, à la disparition de Frank). Malgré cette complexité, il est facile de suivre le récit qui se déroule de manière assez fluide.
C’est une histoire touchante que celle d’Idgie Threadgood : cadette d’une famille de sept enfants, Idgie est un véritable garçon manqué, au grand dam de sa soeur aînée qui rêve de la voir porter des robes. Très jeune, elle perd son plus grand frère, dont elle était la "chouchou" et qu’elle suivait comme son ombre. Vient ensuite sa découverte de l’amour lors de sa rencontre avec Ruth et de sa lutte pour pouvoir vivre heureuse. Très généreuse, elle ouvre un café qui devient rapidement le point de ralliement de toute la petite ville de Whistle Stop, Alabama, et où se croisent la bonne société comme les vagabonds de passage. C’est essentiellement la vie au café que nous raconte Ninnie.
Ce roman aborde également la question de la relation blancs/noirs dans cette Amérique des années 30 à 60. Idgie, ayant grandi entourée de personnel de couleur, à quelques centaines de mètres du quartier noir, ne fait aucune différence de traitement entre les blancs et les noirs. Cela lui vaudra plusieurs fois des menaces de la part du KKK. Dans ce roman , même si certaines discriminations sont mises en avant, nous n’avons à aucun moment le point de vue direct des gens de couleur, contrairement à ce que l’on pouvait trouver dans La Couleur des sentiments. Je dirais que la critique de ce comportement raciste est plus subtile : elle se retrouve dans l’ironie de certaines situations, dans les commentaires de certains personnages, etc. J’avoue avoir toujours du mal à réaliser que cela a pu exister, de cette manière, il n’y a pas si longtemps. J’aime, d’ailleurs, les oeuvres qui permettent de renouveler régulièrement cette prise de conscience, pour ne pas oublier à quel point, souvent, les hommes peuvent être stupides.
Par contre, je trouve que l’auteure est restée très ambiguë sur la relation qui lie Idgie et Ruth. Lors de leurs premières semaines ensemble, on sait qu’Idgie a eu un coup de foudre mais ensuite, leur relation n’est pas vraiment claire. Si effectivement, elles vivent en couple, la société de Whistle Stop a l’air fort ouverte face à cette famille atypique (les deux jeunes femmes vivent avec l’enfant que Ruth a conçu lors de son mariage). N’oublions pas que le récit se situe dans l’Amérique des années 30 : je ne pense pas que puritains comme ils étaient (et le sont toujours, pour certains), ils auraient accepté une telle relation aussi facilement.
J’ai beaucoup aimé cette saga familiale dans laquelle s’entremêlent l’humour et les drames. Chaque personnage (et ils sont nombreux) possède sa propre personnalité même si, parfois, certains tombent un peu dans le cliché (le mari qu’on veut quitter et qui, justement, a tous les défauts qui font que la rupture est largement justifiée, la servante dévouée qui donnerait sa vie pour sa "petite maîtresse", …). Je regrette également que certains passages débordent un peu trop de "bons sentiments" mais dans l’ensemble, c’est un bon livre ! Et comme Evelyn, j’avais hâte de retrouver Ninnie pour découvrir la suite des aventures d’Idgie !
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