Un joli livre biographique de Sabyl Ghoussoub, jeune écrivain franco-libanais qui après avoir réalisé de nombreux entretiens avec ses parents, Kaïssar et Hanane, tente de restituer un peu de leur vie de déracinés, d'écartelés.
Ecartelés, ils le sont entre un pays d'origine et de cœur quasi perpétuellement en guerre depuis 1975 (guerres inter et infra-communautaires éminemment complexes entre chrétiens, druzes, chiites et sunnites, alimentées par les intérêts et interventions notamment israélienne et syrienne), et un pays d'accueil au sein duquel d'une part l'intégration est loin d'être évidente, et d'autre part les grandes tensions du Proche-Orient s'exportent également sous la forme de nombreux attentats dans un climat d'insécurité.
Mais plus que de relater les faits d'une situation géopolitique mortifère et de faire œuvre d'historien, Sabyl Ghoussoub livre essentiellement un témoignage d'amour à sa famille et plus particulièrement aux deux protagonistes que sont ses parents. Des parents écœurés et infiniment meurtris par la situation de leur pays et de leurs proches, et qui ne sont pas partisans sinon d'un Liban enfin uni et en paix. Des parents néanmoins résilients, et qui ont traversé tant bien que mal les années précaires, l'opprobre du racisme, l'inquiétude incessante que quelque chose arrive à leurs proches. Des parents généreux ouverts au monde, à la culture et au beau (avec une mère longtemps assistante dans une galerie d'art et un père poète et journaliste).
Des parents, enfin, qui ont tenté de transmettre le meilleur à leurs deux enfants. Est revenu à Sabyl plus particulièrement cet héritage d'un Liban impossible et d'une histoire familiale déchirée, héritage qui lui incombe sous la forme d'une responsabilité : celle de témoigner pour que l'on essaie de comprendre et surtout de ne pas oublier.