Bonheur est un livre ayant une qualité rare : réussir à concilier son fond et sa forme, vous faisant ainsi sentir l'absurde répétition d'une consommation forcée à travers son écriture riche en répétition et énumérations.
Jean Baret parvient le coup de force de dépeindre une dystopie parfaitement crédible et en phase avec l'évolution de notre société. A travers un roman au découpage impeccable, quel plaisir de pouvoir lire par petites sessions sans être obligé de s'arrêter au milieu d'un chapitre, l'auteur expose une société où tout est affaire de consommation. Tous les problèmes de la vie, guerres et attentats compris, sont l'objet d'une intégration au sacro saint marché apportant une solution.
Deux personnages, Toshiba et Wallmart, sont au centre du roman et nous guident à travers ce monde construit sur une liberté absolue sous condition qu'elle contribue au marché. Si vous avez fait le jeu vidéo Bioshock, vous pourrez y trouver la réalisation du fantasme de Rapture : un monde où la science ne s'est pas retrouvée entravée par notre morale. Si je me permet ce parallèle, c'est que Jean Baret fait également beaucoup de parallèles avec cette culture : mention spéciale à une publicité pour Sarif Industries apparaissant dans Deus Ex.
Si l'on peut parfois regretter des personnages qui auraient gagnés à être davantage développés, on ne peut qu'apprécier l'ensemble de l'oeuvre et la vision qu'elle offre. Vision qui ne sort d'ailleurs pas de nul part puisque Jean Baret cite allègrement Dany Robert Dufour. Ce dernier a même le droit à une postface passionnante, un gros plus pour des oeuvres d'anticipations tant leur cadre dépasse de loin celui du simple roman de divertissement.