Spinoza évoque dans le scolie de la proposition 9 dans la troisième partie de son ouvrage phare L’Éthique, l'affirmation suivante que nous jugeons qu'une chose est désirable non parce que nous jugeons qu'elle est bonne, mais nous la jugeons bonne parce que nous la désirons.
Cette proposition amène à un renversement considérable car chez Spinoza, il n'y a pas de désirable en soi (1), mais seulement un individu déterminé qui désire. Le désir n'est pas à connaître comme il révélait automatiquement quelque chose de nous car il est selon encore Spinoza "l'essence même de l'homme". Le désir "est" (pour ainsi dire) ce qui définit l'homme, une puissance d'exister. L'accent de cette affirmation est plus porté sur ce sujet déterminé à agir selon sa nature propre, et moins sur la valeur du désir. Une telle conséquence entraîne l'idée que l'individu vit sous le monde passionnel et à ne plus le voir uniquement comme un être agissant toujours rationnellement (ce que l'expérience intuitive nous le laisse imaginer comme on peut le voir avec l'écologie par exemple).
Mais si une chose est bien parce que je la désire, ou que quelqu'un, une institution etc. désire que j'agisse ainsi, c'est tout un monde passionnel qui s'ouvre. Du coup, une question se pose sur les raisons qui poussent les individus à agir où l'on pense vite à la situation actuelle où ces derniers sont embauchés pour réaliser un désir de leur employeur. Frédéric Lordon nomme ce processus "d’enrôlement" des forces désirantes, l'action de faire faire par quelqu'un son propre désir.
Son ouvrage influencé par Marx s'attarde beaucoup sur l'exploitation - ce que l’œuvre de Spinoza ne saurait se résumer - et sur la puissance du monde du travail sur les individus. Il montre à quel point ce monde du travail et de l'économie d'apparence si "sérieuse" soient si sujet aux passions et aux désirs. Cette approche est particulièrement originale parce qu'en plus d'évoquer le monde du travail actuelle et son idéologie, parle du corps, de ce qu'il peut faire et ne pas faire. Si bien que ce livre n'est pas seulement passionnant pour évoquer l'univers du travail, mais aussi parce qu'il aborde la notion "d'individu" et sa construction sociale, d'autant plus intéressant que l'être selon Spinoza se définit moins par ce qu'il est que par sa relation avec les autres.
(1 : Le désir comme puissance d’être. Spinoza. - PhiloLog. [en ligne]. [Consulté le 5 mars 2020]. Disponible à l’adresse : https://www.philolog.fr/le-desir-comme-puissance-detre-spinoza/
Cours de philosophie)