D'Anthony Beevor, on connaissait ses travaux sur les batailles de la Seconde Guerre Mondiale (Stalingrad, la Normandie, Berlin). Pour ces Carnets de guerre, l'historien a compulsé les centaines, voire milliers de notes de Vassili Grossman, reporter pour Krasnaïa Zvezda (l’Étoile Rouge), quotidien des armées soviétiques durant toute la période des combats sur le front de l'est. S'y ajoutent des lettres écrites par Grossman à sa famille dispersée par la guerre, ainsi que quelques autres notes censurées par le régime stalinien.

De Moscou à Berlin, Grossman suit au quotidien les armées, au plus près des combats contre les troupes allemandes et leurs alliés. Une accumulation de notes et d'articles, même parfaitement agencés par Beevor en rappelant le contexte précis de l’action, peut sembler rébarbative. Il n'en est rien. Grossman, en plus d'être journaliste, est aussi écrivain et se sert de ces reportages pour fabriquer son œuvre personnelle, d'abord Le Peuple est immortel, puis Vie et Destin, censuré en URSS jusqu'à la fin du régime.

Il est souvent rappelé que Grossman est un idéaliste. C'est cette appréciation qui va être malmenée pendant toute la guerre, des déroutes monstrueuses de 1941 à la destruction de Berlin en 1945. De l'amateurisme complet, il passe à celui de reporter engagé en faveur de la cause soviétique, point culminant à la découverte hallucinante des camps de la mort, avec un passage abominable lors de la libération de Treblinka. La reconquête de l'Europe de l'Est et surtout la marche sur l'Allemagne coulent cet état d'esprit, ce qui amènera plus tard Grossman à considérer nazisme et stalinisme sous le même étendard dans Vie et Destin (qu'il serait préférable de dénicher quelque part tant cela a l'air grandiose).
On suit donc l'évolution d'un écrivain au front, partageant ses désillusions et ses regrets, certains textes étant empreints d'une mélancolie saisissante, comme peut l'être la description de Treblinka (qui affectera d'ailleurs l'état de santé de l'auteur tant l'horreur y était sans nom).

Comme dit plus haut, le périple de Grossman est loin d'être barbant. Ses nombreuses notes et articles sont parsemés d'anecdotes en tout genre sur le quotidien au front de l'Armée Rouge (boulettes de soldats, interviews de civils, descriptions des champs de batailles, etc.). Ces Carnets sont aussi un marqueur de l'évolution de la bataille sur le front de l'est. Grossman est envoyé partout où les évènements se passent. Il passe de la vénération pour les aviateurs à l'ébahissement pour les tankistes des années 1944 - 45, tout en ayant recueilli les témoignages de nombreux soldats lors de la bataille de Stalingrad, y compris les fameux snipers soviétiques glorifiés par la propagande stalinienne.

Ces Carnets ont en outre été le premier livre sur l'histoire que j'ai pu lire, ce qui évidemment constitue un souvenir inaltérable dans sa découverte et dans sa relecture. Une très bonne lecture qui donne envie de se plonger dans les autres œuvres de l'auteur (et de Beevor également).
Pariston
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le 5 févr. 2013

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