Que dire ?

J'ai l'impression, justifiée, d'avoir passé des semaines à me plonger dans ce livre, à suivre la pénitence de Raskolnikov dans un Saint-Pétersbourg macabre et étrange. Ce que je redoutais le plus, à vrai dire, dans Crime et Châtiment, c'était de perdre le fil d'une histoire longue comme le bras, noyée dans un style austère et nécessitant une concentration que je n'ai parfois pas le luxe de m'offrir... Et bien, rien de tout cela. Le Joueur m'avait déjà montré que le style de Dostoïevski était emballant, très épuré et beau à la fois. Alors, sur plus de 600 pages, je suis passé par tous les sentiments possibles. C'est agréable à lire et écrit d'une telle manière qu'il devient difficile de décrocher, malgré les gros pavés que constituent certains dialogues de personnages. De ce côté là, j'étais donc tranquille et pouvait m'attaquer à l'intrigue, celle qui fait de Crime et Châtiment ce qu'il est aujourd'hui : un chef d’œuvre de la littérature.

Le livre dépeint donc l'état psychologique de Raskolnikov, étudiant miséreux, poussé à commettre l'impensable en abattant à coups de hache une usurière et sa sœur. La misère dans laquelle il vit, celle de la Russie toute entière, celle que Dostoïevski s'emploie à dénoncer magnifiquement, le pousse au meurtre. Et il en cherche les raisons : pêché d'avarice ? Ou alors plus grand dessein ? On sent que Napoléon hante les mots de Dostoïevski, avec la raison du plus fort : si une vie doit être sacrifiée pour le bien de l'humanité entière, il faut passer à l'acte. C'est ce qui anime Raskolnikov dans tout le roman, du meurtre au châtiment.
La religion tient une place importante dans Crime et Châtiment, comme visiblement dans tous les romans de l'auteur. Les plus beaux passages en sont issus, comme l'échange virulent entre Raskolnikov et Sonia, monstrueux de justesse.

Je ne me souviens pas de tout dans Crime et Châtiment. Les personnages vont et viennent, échangent entre eux, se méfient et surtout, sont d'une tristesse abyssale. Pas qu'ils soient ennuyeux, loin de là, mais leur condition est déprimante et d'un tragique sans nom. Katerina Ivanovna m'a bouleversé, surtout dans son crépuscule ; de même que Sonia, Dounia et la mère de Raskolnikov sont fascinantes elles-aussi. Porphyre hante le roman de sa présence et de ses "hé hé" à glacer le sang. Mais c'est véritablement Raskolnikov qui est prodigieux. Le roman commence par son crime et finit par son châtiment, implacablement amené. Pourtant, passé son crime et quelques envolées lors de certains chapitres, il est plutôt discret. Il passe les premières parties du roman à dormir, assailli par la fièvre, réponse physique à ses doutes et à son acte ; puis il disparait relativement lors de certains passages avant d'émouvoir comme jamais lors de l'apothéose finale. Ses échanges avec Porphyre sont savoureux et son châtiment est, j'utilise l'adjectif une nouvelle fois, fascinant de génie et de symbolique. L'épilogue m'a presque arraché quelques larmes, point final originalement optimiste, mais où se conclut cette tragédie macabre qu'est Crime et Châtiment.

Malgré ma modeste culture littéraire, je ne peux qu'être admiratif devant le talent qu'à Dostoïevski à rendre la forme et le fond parfaits et en adéquation totale, rendant chaque échange sublime, chaque description triste et mélancolique et chaque réflexion profonde et dérangeante.

(j'hésite entre le 9 et le 10, compte tenu de ma balbutiante expérience littéraire, mais il faut dire que ça sera mérité quelle que soit la note, surtout avec la critique qui va avec)
Pariston
10
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le 24 déc. 2012

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Pariston

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