J'ai passé un demi-siècle sans jamais avoir entendu parler de ce roman, et récemment, un ami anglais m'en a prêté un exemplaire. Sa lecture n'a pas été si facile, mais m'a quand même secoué.
Ce roman semble être extrêmement populaire dans le monde anglo-saxon (États-Unis et Royaume-Uni notamment), et une adaptation en série a même été faite récemment, mais à ma connaissance, il n'est pas très connu en France (en tout cas pas des lecteurs assidus que je connais et que j'ai interrogés). J'ai essayé d'avoir plus d'informations sur ce point, et il semble que ce livre soit d'abord très américain (des États-Unis, pas du continent). Heller situe son histoire pendant la seconde guerre mondiale (à laquelle il a participé dans l'armée US) mais y introduit parait-il quelques anachronismes qui se réfèrent plus à la guerre de Corée et au McCarthysme qui font que la satyre désespérante et absurde qu'il élabore, contextuellement ciblée sur l'organisation militaire, vise en fait la société américaine US des années 40 et 50. Ce roman sera ensuite repris comme porte étendard du mouvement pacifiste US contre la guerre du Vietnam. Je comprends ainsi mieux pourquoi cette œuvre semble si importante outre Atlantique car elle s'y inscrit complètement dans l'histoire de la dernière moitié du siècle dernier. Et malgré l'influence culturelle indéniable des États-Unis sur l'Europe et la France depuis des décennies, certaines choses plus intimement liées à l'histoire de ce pays résonnent beaucoup moins chez nous.
Alors sa lecture a eu l'effet sur moi de montagnes russes. Des emballements pour le côté hilarant des situations absurdes qu'il décrit, dans une linéarité plus que confuse, m'ont fait dévorer avec empressement les 3 premiers quarts du livre. Puis, j'ai connu un effet de saturation et j'ai abandonné ma lecture pendant quelques jours. J'adore le délire (les Anglais sont les maîtres de la chose à mon goût), mais il doit y avoir une montée en puissance jusqu'à un apex, alors qu'avec Catch-22, j'avais l'impression d'un mouvement de houle sans fin. J'ai donc repris le livre après une semaine ou deux et si j'ai continué à rire, mon rire devenait de plus en plus crispé. Non pas que le talent humoristique de l'auteur s'émoussait, mais la violence de la satyre m'atteignait vraiment. Sur la drôlerie, la rage et la désespérance prenaient le dessus.
Je l'ai maintenant refermé, mais je pense qu'il va me hanter longtemps...