Le génie du judéo-bolchévisme
Cavalerie rouge est avec le métro de Moscou le chef-d'œuvre du communisme soviétique et ce n'est pas un hasard si Isaac Babel a aussi fait la chronique du chantier du pharaonique projet stalinien.
Mais reprenons le Cuirassé Potemkine, tout le monde est d'accord, ce film est chiant comme la mort! Pas de héros, pas d'histoire globale, le titre du film est celui d'un bateau, d'un bateau nom de dieu!
Je regardais dernièrement Guardians of the Galaxy... pas un mauvais film en soi, si si vraiment, j'ai plutôt apprécié, mais tellement identique à tous les autres films sortis cette année-là et les précédentes que j'ai encore du mal à l'en distinguer. Comme dit Transformers 2, "Beginning. Middle. End. Facts. Details. Condense. Plot. Tell it!" Au final, trois actes, Howard the Duck, quelques blagues, I am Groot...
Pensons peut-être aussi à Akhmatova, au jeune Mandelstam même, à l'acméisme soviétique, cet incroyable souffle lyrique, cette poésie immortelle. Ferveur révolutionnaire ou formalisme bourgeois contre-révolutionnaire? Bien vu Joseph, ceux-là au moins il ne les a pas raté!
Maintenant Cavalerie rouge, qui est le héros? Trotsky? Boudyonny? Il apparait pour deux petits tours et puis s'en va. Qui sont ces gens? Ces cosaques? Ces juifs? Ces Pauvres moujiks? Des salauds sans doute. Babel ne se prive pas de les montrer martyrisant de pauvres femmes. Mais lorsqu'il les peint avec quel soin le fait-il! C'est un choral chanté par des millions de voix et quand elles s'unissent, c'est le chant de la terre elle-même. Il a réussi l'exploit d'écrire l'épopée des multitudes, sans tergiverser, sans dissimuler la fascination de la violence, sans exalter ses acteurs, mais ce faisant magnifiant l'épreuve de la révolution.
Notre oreille peut-elle encore entendre cela? N'est-elle pas devenue sourde à tout ce qui n'est pas les soli existentialistes? La liturgie chrétienne des trois actes avec calvaire, mort et renaissance finale? Car Babel lui, le Christ il s'en tape, il est juif (comme le christ... hmm...). Ce qui l'intéresse c'est le peuple, celui du livre mais aussi celui de Capital, obsédé par la possibilité d'une liberté sans précédent. Cavalerie rouge est l'épopée de la révolution soviétique dont il capture la promesse, une promesse inouïe, jamais plus vue depuis la révolution française, cette promesse presque trop grande pour l'homme mais presqu'à la taille de l'humanité.
Qu'elle n'ait pas pu être tenue ne devrait pas nous la faire oublier. Avec Babel, on découvre un fabuleusement lucide exercice de rêve éveillé.