Une découverte…
Un sujet qui m'a toujours plu. Quand j'étais gosse, je m'étais passionné pour l'histoire de Robinson Crusoé que j'avais d'ailleurs pris, à l'époque, pour argent comptant. Plus tard, j'avais découvert ma naïveté et la force de l'imagination des romanciers. Mais ce n'était pas grave, cela n'empêchait pas le plaisir et la rêverie. Parfois, le romancier, tel Jack London, y met de sa personne et de son expérience, souvent non. C'est le cas de François Garde qui est l'auteur du roman sur le "sauvage blanc". Si j'ai bien compris sa biographie, il a été un fonctionnaire en Nouvelle Calédonie et a écrit un roman sur un matelot français, Narcisse Pelletier, abandonné au XIXème sur une plage australienne et qui vécut 17 ans au milieu des aborigènes avant d'être récupéré par un navire anglais.
Alors, ce Narcisse Pelletier ? Eh bien, tout d'abord, le nom ne m'était pas inconnu et je ne parvenais pas à savoir pourquoi jusqu'à ce que je lise qu'il était né à Saint-Gilles sur Vie (qui fait partie de St Gilles- Croix de Vie). Et la mémoire revint ! Pendant plusieurs années on est allés en vacances dans cette commune et tous les jours, on faisait une balade sur la belle "promenade Narcisse Pelletier" …
Donc le roman n'invente quand même pas tout puisque le personnage du "sauvage blanc" a bel et bien existé.
Simplement, l'auteur, de façon assez astucieuse, alterne les chapitres entre la dure période d'intégration du jeune matelot au monde aborigène et les comptes-rendus d'un noble français, Octave, passionné d'exploration, qui eut le redoutable privilège d'être nommé tuteur par l'administration anglaise en Australie lorsque le "sauvage blanc" fut récupéré 17 ans plus tard.
Le roman est donc le mélange d'un roman d'aventure et d'un roman épistolaire. Ainsi, le roman est globalement bien autre chose qu'un simple roman d'aventure (genre Robinson Crusoé) car il interroge finalement sur pas mal de sujets.
Les limites de l'anthropologie ou de l'étude comparée des civilisations. Ainsi, Octave adresse le résultat de ses observations à la Société de Géographie où le "sauvage blanc" est montré comme un objet de foire, décevant les uns car il ressemble à un européen, suscitant les critiques d'autres parce qu'Octave n'a aucun élément sur les "sauvages" et sur la vie de Narcisse chez les aborigènes et en est réduit à imaginer.
Les amnésies volontaires ou pas de Narcisse sur sa vie antérieure chez les aborigènes interrogent sur le rôle du souvenir qui s'attache à une vie révolue chez l'homme. "Parler, c'est comme mourir" dira Narcisse. On peut imaginer qu'il fut probablement salutaire chez Narcisse, pour parvenir à s'intégrer, de tout oublier du passé y compris le langage. De la même façon, il lui sera indispensable (vital) de tout oublier sur sa vie chez les aborigènes à son retour chez les siens. Il y eut un "après Narcisse" puis 17 ans plus tard un "avant Narcisse" qui restera dans la tête de Narcisse et qui ne sera jamais divulgué.
Les limites de l'amitié entre Octave qui tient à une démarche scientifique ou du moins rigoureuse et Narcisse qui ne comprend pas l'acharnement d'Octave à vouloir savoir. Surtout un Narcisse qui a vécu consciemment ou pas un double déchirement avec son propre passé. Le roman m'a paru plutôt convaincant sur l'évolution de la relation entre Narcisse et Octave.
Roman intéressant qui finalement est beaucoup plus qu'un simple roman d'aventures. Ne pas oublier que le roman est vu par le regard de quelqu'un vivant (en France) aujourd'hui ; en effet, les discours ont bien évolué (au moins officiellement) sur la position relative d'une civilisation comparée à une autre.
Il n'empêche une légère frustration de ma part : j'aurais bien aimé en savoir plus sur la vie de l'entre-deux Narcisse, bref, d'en savoir plus de la vie chez les aborigènes…
Incorrigible, je suis !