Soyons franc, je suis relativement déçu de ma lecture de Ceux qui sauront.
C’est la première fois que je lis Pierre Bordage et j’ai cru comprendre qu’il était une référence dans le monde de la SF.
Pour ma part, ce n’est pas un style dont je suis très friand (par méconnaissance, surement), mais il m’est arrivé de lire quelques uchronies et de bien apprécier le concept. « Uchronies », pour ceux qui ne connaissent pas, c’est une « réécriture » de l’Histoire à partir d’un moment clé, en partant de l’idée que les évènements aient eu une autre issue (Et si un tel avait perdu telle bataille ? ou telle guerre ? Et si telle civilisation avait perdurée ? etc). Ces postulats offrent généralement des scénarios plutôt intéressants.
Ceux qui sauront est une uchronie. Le point de basculement est « Et si la Monarchie française s’était maintenue ? » ; la Révolution a bien eu lieu en 1789 mais il semblerait que ce soit la Commune de Paris qui échoue (1871) et que ce soit les Versaillais qui l’emportent, rétablissant de fait la Monarchie. Je dis bien « il semblerait » car déjà là, les choses ne sont pas très claires.
L’histoire se déroule donc en France, dans le Royaume de France, en 2008. Idée de départ intéressante. Néanmoins, j’ai trouvée qu’au-delà de ça l’idée n’était pas assez exploitée (ou mal exploitée). Le caractère uchronique ne sert que de prétexte à un roman (une romance ?) plutôt farfelue. Je poursuis. Un Royaume de France mais des plus féodaux, on est très loin d’une Monarchie constitutionnelle comme on en connait aujourd’hui chez de proches voisins. Donc d’un côté les nobles, les riches, les Blancs, les instruits (ceux qui savent), les méchants (voir même les cruels, les très cruels) et de l’autre côté, les gueux, les pauvres, les « cous noirs », les non instruits mais qui cherchent à s’instruire de façon clandestine (ceux qui sauront), les gentils. C’est très binaire, très manichéen.
De ces deux mondes que tout opposent vous ressortez deux jeunes ados que rien ne prédestinait à se croiser mais qui y arrivent quand même, qui nous entrainent dans une love story qui ne veut pas dire son nom mais qui sent bon la guimauve. Ces deux-là vont s’accorder pour se dire que le monde dans lequel ils vivent est trop moche et trop injuste et qu’à eux deux, ils ont peut-être moyen de changer (de bouleverser, de révolutionner) les choses, le monde même, là où leurs ainés ont tous échoués (et l’ont tous payé de leur vie). Du moins le changeront ils dans les deux tomes suivants (je suppose, car je ne les ai pas lu, et du coup ne les lirais pas) car Ceux qui sauront est le premier opus d’une trilogie.
Vendu comme ça, je ne donne pas très envie de lire ce roman je vous l’accorde, mais c’est assez proche du ressenti que m’a laissée cette lecture. Ajouté à cela, le caractère uchronique peu ou mal exploité (comme je le disais plus haut), des personnages mièvres auxquels il est impossible de s’attacher et parfois (souvent) des clichés et des invraisemblances trop grosses qui font déborder le vase (exemple : les méchants gendarmes qui maitrisent une émeute en tirant dans la foule, jusqu’ici, rien de grave, une page plus tard, soit une petite demi-heure dans le récit, environ cinquante mille morts, oui, oui 50 000. Tout le monde est triste, snif, mais on y retourne parce qu’on est des gentils, eux ce sont des méchants, et le bien doit triompher sur le mal).
Voilà rapidement les éléments qui construisent ma déception à la lecture de ce livre et que j’ai bien du mal à recommander à d’autres lecteurs.