Dès les premières pages, le ton est donné : la nounou en charge des enfants d'un couple parisien sont retrouvés morts, tués par cette dernière. L'auteur, Leïla Slimani nous entraîne alors aux débuts des faits, depuis l'engagement de la nounou où rien ne laissait prédire une telle fin. On découvre au fil des pages ce qui a favorisé le crime de la nounou, entre ce personnage en apparence si parfait et les choix significatifs des différents protagonistes. A noter que le thriller est inspiré d'un fait divers à New York en 2012, mais qu'il est aussi né de l'expérience particulière de l'auteur qui est de confier son enfant à un inconnu. Expérience vécue du point de vue de l'enfant quand elle vivait au Maroc et plus tard alors qu'elle même est mère.
Ce qui fait de ce roman un thriller qui transporte est la psychologie fine des personnages. La nounou paraît aux premiers abords et pendant longtemps comme une nounou parfaite : elle prend soin des enfants, elle est patiente, range même toute la maison, est d'une organisation exceptionnelle, devance les attentes des parents...Cependant, on comprend que cet investissement chez cette famille qui n'est pas la sienne est compensé par une absence d'amour envers sa fille, mais aussi un dénigrement de sa vie personnelle. Elle vit pour les autres mais par pour elle. L'exemple le plus flagrant en est lorsque,
après avoir fait l'amour avec Hervé, elle aimerait un autre enfant et qu'on apprend plus tard qu'elle veut, en fait, que Myriam, la mère des enfants, ait un autre enfant pour s'en occuper.
Quant aux parents, ce sont des parisiens dévorés par leurs envies carriéristes, et qui essayent, tant bien que mal, d'être des bons parents. Un défi qui culpabilise particulièrement Myriam. Quel merveilleuse surprise que cette nounou qui les allègent des tâches domestiques et parentales ! Il lui laisse une place qui rend la nounou irremplaçable et vis à vis de laquelle il ne savent plus dire non. Si la nounou est la criminelle, les choix des parents dans la place qu'ils lui accordent au quotidien est tout aussi ambigüe et malsaine.
Enfin, le crime prend son sens grâce aux analepses qui nous ramène à un temps où la nounou était dans un contexte complètement déséquilibrée dans sa vie personnelle. On ne sait pas tout jusqu'à la fin du livre, mais ces éléments suffisent à cerner le personnage et sa carence affective profonde.
Leïla Slimani a su retranscrire les personnalités complexes et contradictoires des personnages, le tout avec une plume fluide, bien adapté au genre, ce qui lui vaut d'être récompensée du prix Goncourt 2016.