Chanson Douce ne fait pas le consensus parmi tous ceux qui l'ont lu.
On pourrait effectivement reprocher l'écriture didactique, froide et impersonnelle à la manière d'un scientifique qui détaillerait un rapport. Paradoxalement, c'est ce côté-là qui m'a plu et m'a happée dans ce roman.
Le premier chapitre intrigue et nous pousse, avec une sorte d'enthousiasme morbide, de persévérer pour tenter de comprendre l'inéluctable et l'impardonnable. Notre côté voyeur est titillé.
Mi-thriller, mi-drame social, Chanson Douce interroge sur la maternité, la condition des classes populaires, la détresse affective, la rôle de la femme dans la société patriarcale.
J'ai curieusement apprécié de pas m'attacher à ce couple de bourgeois parisiens insipides et franchement insupportables de bêtise par moment. Ils peuvent être monsieur/madame tout le monde. Leur condescendance envers Louise, leur façon de la considérer comme une femme-enfant, témoigne du mépris des classes supérieures envers les classes inférieures. La nounou, cette inconnue qui devient familière...mais pas trop quand même. Il ne faudrait pas la considérer comme une égale, après tout, on reste dans une relation employeur/employé. Cela me rappelle fortement la condition des bonnes noires décrite dans The Help.
Louise est bien plus intéressante à défaut d'être fondamentalement attachante: un bout de femme abîmée par la vie, au bord de la pensée suicidaire par moment, une fragilité de poupée, une persévérance parfois sur-humaine. D'abord appréciée par le couple, elle devient envahissante. Le personnage devient peu à peu bouffé par une psychose obsessionnelle: elle ne peut exister si on lui enlève son statut de nounou.
Une approche intéressante de l'auteure qui, plus que nous proposer une histoire, nous propose une réflexion sociétale sur le fait de confier ses enfants à une inconnue.