Un jour mon père ma demandé si je connaissais Patrick Modiano. "De nom", lui ai-je alors répondu, et il aurait mieux valu que ça en reste là.
Bref, en ce doux début d'année 2024, voilà que je tombe sur ce Chevreuse. Décidant de ne pas mourir bête, puisqu'il est prix Nobel de littérature le Patrick, ça doit pas être pour rien (ha ha), je me lance dans sa lecture. Que j'ai finie le lendemain, car ce livre a l'avantage d'être assez court (~160 pages). C'est d'ailleurs son seul avantage.
On m'a vanté les qualités stylistiques de Modiano, mais à chaque page je me disais "ah bon ?" Parce que bon, quand tu écris à l'imparfait ou au plus-que-parfait pour décrire tes actions (au sens strict du terme, hein), je pense pas qu'on puisse dire que ton style d'écriture est irréprochable. Mais si ce n'était que ça ! Dès fois on alterne entre cet imparfait / plus-que-parfait et le passé simple, pour ensuite revenir à l'imperfectif, et encore à nouveau au passé simple, le tout dans la même scène ! Il me semble que quand on est un auteur avec une longue carrière écrivaine derrière soi, on est à jour sur les valeurs des temps verbaux et on sait que l'imparfait n'actualise pas l'action, par conséquent il ne doit pas être utilisé pour en décrire une. Et qu'on vienne pas me dire que "c'est fait pour", parce qu'à ce moment-là ça peut absolument tout excuser et le pire des navets devient le meilleur film jamais tourné.
Mais passons sur la forme du livre, parce qu'en général, quand je lis, j'attache davantage d'importance au fond. Quel est le fond, donc ? Y'a-t-il un fond au moins ? Ça reste discutable.
On suit le personnage de Bosmans qui erre dans Paris pour Dieu sait quelle raison, allant d'un personnage à un autre sans vraiment savoir ce qu'ils viennent faire là, le tout pour... heu... hein ?
Plus sérieusement, qu'est-ce qui se passe dans ce roman ? Qu'est-ce qu'il raconte ? D'où est-ce qu'on vient, où est-ce qu'on va ? Quelle est la finalité ? Je n'ai la réponse à aucune de ces questions. J'ai commencé la lecture de ce livre avec toute la bienveillance du monde, mais si le livre en question n'y met pas du sien, je vais pas pouvoir faire grand-chose pour lui.
On enchaîne donc les scènes dont on se demande ce qu'elles font là et à quoi elles servent, les dialogues creux et les pérégrinations du personnage central qui, je gage, est en train de profondément se questionner sur le sens de la vie et de la littérature à chaque fois qu'il marche (les clichés ont la vie dure, que voulez-vous). Et on te sort tout un tas de lieu parisien (forcément, l'auteur vient de là-bas), mais si on y réfléchit un peu, ça n'a aucune incidence sur l'histoire. Quant à Chevreuse, qui fait quand même le titre du livre (et qui est en région parisienne, attends tu m'as pris pour un enfoiré de Bourguignon ou quoi ?), à peine est-il mentionné deux fois. Et qu'est-ce qu'il apporte à l'histoire ? Rien, pour ainsi dire.
En bref, on est encore face à une monumentale masturbation intellectuelle, rédigée par un Parisien pour ses copains parisiens. Modiano se contente d'écrire ce qui lui passe par la tête et de ne plus y toucher, même si ça n'a aucune cohérence dans le récit final. J'ai eu l'impression de lire un cahier de brouillon, tant ça ne m'a pas paru achevé ou retravaillé. Sérieusement, c'est ça la littérature maintenant ? Plus d'idées donc on se contente de coucher sur papier des bribes de scènes qui nous passent par la tête en se disant que ça va être terriblement profond et intelligent ? Après avoir littéralement inventé le roman en prose au 13e siècle avec les romans de chevalerie, c'est ça la littérature française actuelle ? Sans façon, je préfère lire de l'anglo-saxon qui, à défaut de me retourner le cerveau avec sa prose avant-gardiste, me fait vivre des aventures cohérentes pendant et après ma lecture.
Ok, ça peut paraître un peu dur comme avis, mais je ne vois pas pourquoi j'en dirais du bien alors que je n'ai absolument pas aimé. Que ça n'empêche pas ceux qui l'ont apprécié de continuer sur cette voie. Si vous avez pris du plaisir à lire Chevreuse, tant mieux pour vous.
Mais le pauvre petit provincial que je suis n'a pas su être touché.
À force, faudrait que je retienne la leçon quand même.