Je ne saurais pas trop quoi dire à part des banalités, car c'est passionnant de bout en bout. Et si l'adaptation de Fuller/Curtis Hanson est une retransformation complète de l'histoire, le film de 2022 que je n'ai pas encore vu a l'air pour le coup assez différent aussi avec un point de vue plus concentré sur Jean Sieberg et une grosse importance donné à leur fils qui est quasi invisible dans le livre. (même un des chats de Gary, Maï la siamoise fausse femelle, a bien plus de développement)
C'est super judicieux d'avoir d'abord un parcours des Etats-Unis fin 60s en feu sur la lutte raciale après l'assassinat de Martin Luther King (pays encore marqué avant par celui de J Kennedy et qui enchaînera sur celui de son frère un mois après celui de King)... puis un passage à Paris mai 68 qui est présenté plus ou moins comme une réaction à ce qui passe aux US. Le tout se déroule avec l'intrigue principale du chien blanc parfois laissée en pause, comme par effet de bombe à retardement.
J'étais vaguement prévenu, mais la fin est bien théâtrale et amère comme il faut.
Il faut que je digère un peu la masse d'info sur les différents évènements historiques balancés à droite et à gauche, que je vois d'autres points de vues et tout. Et il y a tellement de points discutés sur la condition des noirs sur dix milles plans, jusqu'à parler de la place des noirs dans la Mafia. Ca vient presque à faire penser que, face à cette masse de conflits raciaux, un Américain blanc ne connaît pas de problème et aucune émeute/injustice sur des points autres que la couleur de peau. Ce que Gary souligne à un moment lorsqu'une personne lui dit "Ah mais il est blanc, donc il n'a pas de problème". Donc c'est pour dire qu'il faut prendre un certain recul, et le propos de Gary est agréable de franchise sur ses faiblesses, sa volonté d'oublier, de fuir ou son incapacité à être totalement misanthrope car ses espoirs et sa part de naïveté reviennent toujours.
Je craignais un petit peu d'avoir une œuvre moins creusée que La promesse de l'aube et L'éducation Européenne, mais c'est pas le cas. De là à juger un fossé qualitatif même léger, je n'en ai aucune idée. Chien Blanc peut un peu donner l'impression d'être une grande fresque qui se finit trop vite, bien que s'il avait fait prolongé davantage le livre, on perdrait un peu par exemple son idée comme quoi il a un besoin d'écrire face à ces problèmes tout en étant désespérément conscient que les livres ne changent pas l'histoire et que cette action d'écrire est aussi une fuite de la réalité vers son imagination. Enfin bon.
Sinon, ça m'a fait marré de voir Gary parler de Paris est une fête que je venais de finir y a quelques jours dont il retient l'épisode de la taille de zizi (qui conclut quasiment le bouquin). Comme quoi les Américains sont obsédés par le concours de taille et d'attribut de virilité, ce qui semble être reproché à Hemingway par le Bobby Kennedy du livre. Gary fait quand même quelques approximations dans la grosse documentation, peut-être à l'image de son style général, parce que, contrairement à ce qu'il avance, Hemingway a pourtant bien écrit aussi de son côté que la taille au repos compte moins que "la noblesse de l'extension". (Je laisse le bénéfice du doute à Gary, car Paris est une fête a connu des premières éditions bien différentes qui réarrangent les chapitres et leur contenus)
Une citation pour nous tacler en conclusion.
Le contexte : les funérailles du frère de Jean Seberg tué en voiture. Dans les discussions, il est relevé un autre drame qui a frappé la ville, à savoir une fille de bonne condition a épousé un noir (oh my god) :
-Vous ne pouvez pas comprendre, vous n'avez pas dix-sept millions de Noirs en France...
-C'est vrai, mais nous avons cinquante millions de Français, ce qui n'est pas jojo non plus.