Oeuvre violente pleine du cynisme profond qui caractérise une des facettes de Romain Gary.
Il en a marre, Romain. D'abord, il se sent vieux, encore plus quand il regarde sa femme trop jeune.
Et puis il en a trop vu Romain, il s'est déjà tapé la seconde guerre mondiale, le massacre des juifs, l'horreur, l'absurde. Il sait très bien de quoi le genre humain est capable. Ca fait des années qu'il essaye d'exorciser tout ça dans des romans d'ailleurs.
Et, alors que mai 68 arrive en France, il se retrouve au milieu des mouvements raciaux aux US de la fin des années 60. Et là il craque, il peut plus. Il n'y crois plus. Ca le dégoute les gens, les noirs les blancs tous les mêmes au fond, tous moches quand on y regarde de plus près. Les blancs soit racistes immondes et effrayés qui vont jusqu'à dresser les animaux pour attaquer les noirs, soit masochistes pitoyables qui se flagellent pour atteindre un statut de martyr qui soulage leur existence fatiguée. Et les autres, les noirs, soit profiteurs venaux qui distribuent de la bonne conscience en soulageant les portefeuilles des riches, soit assoiffés de sang et de violence qui ne cherchent qu'a rendre la haine qu'ils ont encaissé depuis si longtemps.
Il n'y a que les animaux qui restent purs au fond. Il les aime de tout son coeur (et dans toute son oeuvre d'ailleurs): les éléphants, les pythons, les chiens, les chats...
Et voilà que se met sur sa route un chien détruit par les hommes. Bousillé, irrécupérable mais avec ces yeux là, qu'ils ont quand ils vous regardent. C'est pour ça qu'il explose aussi, faut le comprendre. Et ces français qui se mettent à balancer des pavés parce que le monde entier va mal et pas eux...
Alors c'est un déferlement de son mépris, de sa colère, mais surtout de son désespoir immense que l'on se prend en pleine figure.
Car c'est probablement son roman le plus autobiographique, le plus intime, le plus noir aussi malgré les loupiotes (sa femme surtout) qui brillent faiblement de ci de là.
Il s'est pas encore trouvé son Emile, Romain, son autre personnalité Emile qui le relancera sur la pente de l'espoir. Pas un poil d'Ajar dans cette depression à la fois résignée et transmettant une violence inouie, qui accable le narrateur du début jusqu'à la fin.
Très beau donc, toujours cette écriture à couper le souffle bien sur, mais très Romain avec ses phrases parfois tortueuse et torturées et très, beaucoup trop pour moi, cynique. A ne pas lire dans ces périodes régulières de dépression sur le monde par lesquelles nous passons tous.
Je le préfère moins sombre moi Romain, je le préfère en Emile quoi, ou en Cerf Volant à la limite.