Résidant alors aux USA avec sa compagne Jean Seberg, le romancier Romain Gary va un jour recueillir un superbe berger allemand avant de déchanter lorsqu'il découvrira que l'animal en question est un White Dog, un chien du sud spécialement dressé pour attaquer... les noirs.
Se mettant lui-même en scène dans son quotidien de l'époque (les 60's), le romancier brouille les pistes, nous balance inlassablement entre réalité et fiction, dépeignant la scandaleuse instrumentalisation de l'animal par l'homme, la bouleversante destruction psychique d'un chien pour qui l'homme n'est décidément pas le meilleur ami.
Un récit qui sert cependant de prétexte à Romain Gary pour livrer un réflexion pertinente et inconfortable sur la bêtise humaine, l'auteur ayant visiblement à coeur de dénoncer toute sorte de racisme et d'idéologie douteuse, pointant du doigt non sans humour une société hypocrite et complètement à côté de ses pompes, s'amusant, jusqu'à un certain point, de la culpabilité bienveillante des blancs, s'attardant en particulier sur le milieu du cinéma.
Loin de faire preuve de manichéisme, ne sombrant jamais dans la facilité "gentils noirs / méchants blancs", Romain Gary montre au contraire chaque facette du problème, et surtout l'incohérence et les paradoxes de militants se transformant rapidement en avatars de leurs propres ennemis, creusant avec plus d'ardeur leur propre tombeau, tout en mettant en parallèle les divers conflits de l'époque et l'étrange manie des peuples à se définir par leurs souffrances.
Extrêmement court et utilisant son point de départ avant tout comme déclencheur d'une réflexion sur notre propension à la connerie, Romain Gary signe là un pamphlet féroce d'autant plus efficace qu'il ne cherche jamais à se poser comme modèle de pensée, un constat effrayant malheureusement d'une brûlante actualité.