Chroniques de l'oiseau à ressort par Julie_D
Si les 800 pages de ces chroniques ne sont pas un obstacle à une lecture fluide, que sa lenteur narrative ne confine jamais à l'ennui, que sa description du quotidien ne le rend pas ordinaire... reste que personnage central et narrateur inspire au final, pire que n'importe quelle émotion négative, de l'indifférence.
Et c'est d'autant plus dommage que tout est là pour faire de ce livre un petit chef-d'œuvre.
Le style, simple, limpide, amuse beaucoup au début, et même s'il ne tient pas forcément bien la longueur et s'avère à plusieurs reprises un tantinet exaspérant, il est d'une précision apportant énormément à l'ambiance singulière du roman. Les intrications de l'absurde voire du paranormal dans la vie bien rangée de Toru Okada ont la bonne idée de ne jamais être justifiées, faisant de ces Chroniques un livre plus surréaliste que véritablement fantastique. La structure complexe ne nuit pas à la compréhension, et dessine une œuvre à tiroirs riche et souvent prenante mais où les histoires dans l'histoire sont finalement plus passionnantes, plus remuantes que celle du héros.
Car si Toru est éminemment sympathique, il n'est malheureusement pas grand-chose d'autre. La volonté de parler d'un homme, d'une vie ordinaire est très explicite, mais ordinaire ne devrait jamais vouloir dire inintéressant. Car au final, c'est là la seule chose qui empêche de naitre de cette chimie littéraire une ambiance digne de Lynch et un livre vraiment "troublant". Ne pas avoir toutes les réponses, ne pas forcément tout saisir, tout relier, n'est pas du tout gênant. On le comprend vite, ce n'est pas la destination mais le voyage (forcément initiatique) qui compte. Ce qui plombe ici la magie du roman, c'est cette perte d'intérêt progressif, non pour l'histoire et ses mystères, mais bien pour ce personnage dont la placidité, la passivité, inspire au lecteur une envie de le secouer ou une indifférence totale quant à la réussite ou à l'échec de sa quête.