Un livre formidable sur... Claude Zidi, symbole du cinéma commercial, vraiment?
Eh oui, mais c'est peut-être parce que le livre de Vincent Chapeau parle finalement assez peu du réalisateur des "Sous-doués"...
J'exagère, mais il faut dire que Zidi ayant refusé catégoriquement de parler de sa vie personnelle, toute la première moitié du bouquin s'apparente plutôt à une histoire d'un certain cinéma français, suivant les nombreux projets auxquels participa Zidi en tant que technicien (c'est à dire tout à fait à l'arrière-plan).
L'auteur Vincent Chapeau fait alors étalage de son grand talent de conteur, narrant les divers tournages successifs fréquentés par Zidi, depuis ses tout débuts en tant qu'obscur assistant (chez Autant-Lara, Allégret, Boisrond...) à ses années Chabrol, durant lesquelles Zidi devient un pilier des tournages festifs du gros Claude, en tant que cadreur ("La femme infidèle", "Que la bête meure", "Le boucher"...), en passant par sa période "américaine", de nombreux films hollywoodiens étant alors tournés à Paris ("Le jour le plus long", "Charade", "Le train"...).
Mais Chapeau ne se contente pas de dérouler la carrière de Zidi, il revient sur la plupart des évènements, polémiques et anecdotes qui ont émaillé ces années 60 : émergence de la Nouvelle Vague, censure s'abattant sur "La religieuse" de Rivette, naissance de l'agence Artmedia, rivalités politiques entre gaullistes et communistes en amont du tournage de "Paris brûle-t-il?"...
Par sa passion communicative et son sens de l'anecdote, Chapeau nous fait partager ces années folles de l'intérieur, à travers de nombreux témoignages éclairés.
La seconde moitié du livre sera plus centrée sur Claude Zidi (quand même!), puisque les années 70 voient l'avènement de ce denier en tant que réalisateur-scénariste, accompagnant avec à-propos l'incroyable engouement autour des Charlots, signant avec eux 4 films pour autant d'énormes succès commerciaux.
Sa carrière de réalisateur est lancée, et après avoir été figurant du bouquin, Zidi occupe désormais une place centrale, enchaînant les tournages avec des pointures telles que Pierre Richard, Louis de Funès ou Jean-Paul Belmondo.
La suite sera toujours plus triomphale sur le plan commercial (moins sur le plan artistique), avec un Zidi passé à la production, tout en engrangeant quelques beaux succès en tant que réalisateur-scénariste (la moisson de Césars pour "Les ripoux"), avant de connaître plusieurs flops et d'entamer un retrait progressif du cinéma.
A la fin de ce livre passionnant subsiste un regret majeur : on n'a pas appris grand chose sur le personnage principal. La plupart des interlocuteurs ont souligné son calme, sa bienveillance, et un certain détachement par rapport au succès (contrairement aux idées reçues). On a noté sa passion pour le poker et son obsession pour la lecture quotidienne de la presse, qu'il décortique à l'affut d'anecdotes inspirantes.
Si certaines de ses comédies sont apparues bâclées, incarnation d'un cinéma grand public bas de gamme, il apparaît pourtant que Zidi était un vrai bosseur, et sa maîtrise des techniques cinématographiques est unanimement reconnue .
Ce n'est pas le moindre des paradoxes de cet homme décidément très discret.