Le Shift Project condense les objectifs souhaités pour la planification de l’économie française, à mes yeux nécessaire.
L’ouvrage se présente sous la forme de 15 chapitres à thème : mobilité quotidienne, logement, administration, emplois etc.
Si les chiffres et mesures donnés sont critiquables, force est d’avouer qu’ils sont crédibles et pragmatiques, lus et relus par des centaines de collaborateurs bénévoles d’horizons divers. Les idées sont particulièrement inspirées des membres de leur bureau, dont le Grand Manitou Jancovici, co-fondateur de Carbone 4.
Le groupe de think thank Shift project se base essentiellement sur les données du GIEC et d’autres agences spécialisés dans le climat et l’énergie.
Pour résumer le point de départ des mesures proposés dans le livre : Le réchauffement climatique inévitable (provoqué par l’homme et ses émissions de gaz à effet de serre) va bousculer notre monde et va rendre les crises difficiles à gérer. En parallèle, les énergies fossiles dont nous dépendons indiscutablement, s’épuisent et se feront plus rare.
Il faut donc s’organiser au plus vite face à un monde instable avec de moins en moins de moyens énergétiques.
Risquer un déclassement pour montrer l’exemple aux autres.
Le livre procède toujours par la réduction des besoins en matière d’énergie en essayant de prendre en compte les effets « boules de neige » et essayer de s’adapter au mieux avec des mesures clés approximatives en pourcentage ou multiplications, division.
Le Shift choisit de ne pas parler de coûts, jugeant la démarche veine : il faut changer drastiquement les choses quelque soit leur prix. Sur ce plan je suis assez d’accord, l’argent ne serait qu’un prétexte pour empêcher les choses de bouger à coup de menaces sur le remboursement de la dette. De plus chiffrer ces mesures serait source de débats futiles – les politiques qui se chamaillent sur les plateaux TV nous le montrant régulièrement.
Oui il vaut mieux savoir ce qu’il nous faut changer puis réfléchir aux coûts ensuite.
Les chiffres sont, je dirais, pertinents sans les avoir vérifiés un à un. En bref, nous devrons être de plus en plus résilients selon le Shift, moins produire, consommer plus local et légiférer, beaucoup légiférer.
Ce qu’il faut retenir est qu’à l’horizon 2050 nous consommerons moins, le monde sera plus austère mais que le défi de transition est intéressant à relever.
Certes il l’est, encore faut-il pouvoir le faire et risquer des externalités imprévues.
A commencer par le déclassement au niveau mondial. En effet ce que nous propose le Shift est de ne plus penser en terme de croissance et de PIB. Je suis assez d’accord sur le fond, à condition que d’autres pays suivent réellement l’exemple et ne profitent pas de notre faiblesse pour continuer à jouer le jeu du capitalisme. La Chine et les Etats-Unis antagonistes sur le plan politique, sont des gros pollueurs semblant ne pas vouloir vraiment s’arrêter. Les pays émergents aussi ne s’arrêteront pas sous prétexte que nous, privilégiés, décidions de ralentir notre progression.
Enfin, une France plus paysanne, à vélo électrique et résiliente saura t-elle séduire les consommateurs et le grand Capital ?
La nécessité d’une dictature éclairée ?
Le projet est intéressant, il répond aux problématiques de l’emploi. Tout le monde à son rôle à jouer dans la transition étant donné que le progrès technique n’est pas la solution face aux changements climatique (le Shift prévoient un futur manque d’énergie même avec le nucléaire et le renouvelable). Le projet s’appuie plutôt sur le capital humain et l’utilisation des technologies les plus économes, sans aller jusqu’aux Low-Tech.
Le projet est aussi ambitieux et peut clairement redonner un sens à notre société, nous éloignant du nihilisme.
Mais voilà, en voyant l’ampleur des sacrifices à venir, j’ai bien l’impression qu’il sera impossible de planifier de tels changements. On a bien vu la volonté de certains de porter la question écologique aux présidentielles de 2022, mais le débat n’a pas pris. Les politiciens vont se contenter de mesurettes ou de taxes à côté de la plaque, alors qu’il nous faudrait un changement radical.
Le vrai problème c’est que nous sommes trop dépendant de l’énergie, pensez vous que les 68 millions de français voudront changer leur mode de vie en quelques années pour montrer l’exemple aux autres nations ? Même si ces 68 millions de français lisaient le livre et s’intéressaient à la question, je n’en suis pas si sûr.
Il faudra obliger la population à changer et vite, mais serons nous toujours en « démocratie » le jour où cela arrivera ? Devons-nous souhaiter une dictature technocratique ?
Conclusion :
Je conseillerai à tout le monde de lire ce livre. Il est selon moi sérieux et est sur la ligne la plus sensée si l’on veut parler de planification écologique. Ici l’écologie n’est pas morale mais très pragmatique. Ainsi les riches comme les pauvres, les entreprises comme les particuliers vont devoir se retrousser les manches pour restructurer l’économie.
De plus le livre se lit très bien et ne passe pas trop de temps sur les thèmes. On a toujours une bonne idée générale des changements prévus avec tous les tenants et aboutissants.
Si je suis pour la planification de l’économie pour redonner de la vigueur, du bon sens et de la souveraineté à la France, je sais aussi qu’une telle orientation au nom de l’écologie sera très liberticide. La question est de savoir si la transition est justifiée. La balance bénéfice / liberté penche t-elle en notre faveur ? J’aurai tendance à dire oui mais je ne suis sûr de rien.