On ignore évidemment si Louis Pouzin, inventeur du datagramme, et toujours vivant, a lu le dernier roman de Eric Reinhardt dont il est l'un des personnages importants. A priori, il ne devrait rien avoir à redire à l'éloge qui lui est fait pour ses travaux précurseurs d'Internet et stoppés net sous le mandat de Giscard. Pour celui qui lirait vite la quatrième de couverture de Comédies françaises, ses aventures inachevées semblent être le thème principal du récit, ce qui n'est pas du tout le cas, puisqu'il y est avant tout question d'un jeune homme d'aujourd'hui (27 ans), dénommé Dimitri, certes journaliste et s'intéressant de près au cas de Pouzin, mais également amateur de théâtre et menant une vie sentimentale agitée, entre autres choses. L'existence de Dimitri est décousue, le roman qui la raconte ne l'est pas moins, et d'un intérêt inégal, il faut bien le dire. Parfois, le style de Reinhardt séduit mais assez souvent il agace, dans ses dialogues très familiers ou ses énumérations fastidieuses (à quoi bon citer tous les ouvrages de Jules Verne ?). En somme, et ce n'est pas une nouveauté pour qui fréquente les livres de Reinhardt depuis un certain temps, l'écrivain, qui se sait doué et brillant, fait obstinément son malin en déconstruisant savamment son roman, digressant sans vergogne et nous conduisant là où son inspiration l'emporte sans que le lecteur ne comprenne ses choix narratifs et la destination vers laquelle il souhaite nous mener. Comédies françaises nous parle de l'air du temps, celui de maintenant et celui des années 70, avec un héros sans grande personnalité ni ambition, et l'on ne se demande vraiment si le roman entend fustiger une époque dépourvue de valeurs ou pas. Répétitif et biscornu, le livre peut rappeler de loin ceux de Houellebecq, en un peu moins pessimiste, sardonique et provocateur quand même. Et surtout en beaucoup plus fastidieux, hélas.