"Aller vers les autres, ce n'est pas renoncer à soi." C'est un peu facile et injuste, sans doute, de retenir d'abord cette phrase de Continuer, le roman de Laurent Mauvignier, mais elle n'est pas la seule de son acabit et se révèle assez symptomatique de la volonté de l'auteur de "profiter" de ses personnages pour délivrer une philosophie de vie, comment dire, plutôt passe-partout, et même si l'on n'a rien contre les bons sentiments à la condition qu'ils ne soient pas exposés de façon aussi plate. Il faut pourtant dire que le récit d'aventures de Continuer dans les grands espaces du Kirghizistan, à cheval bien entendu, recèle quelques moments d'action séduisants et ménage parfois un suspense prenant, quoique le plus souvent étiré par des considérations psychologiques d'une lourdeur non pas équines mais pachydermiques. Le livre est plombé par cette pesanteur constante, présente aussi bien dans les steppes de l'Asie centrale que dans les incessants flashbacks relatant l'existence de Sibylle, l'héroïne, avant son périlleux périple avec son rejeton. Les personnages de Continuer ont une étoffe proche de celles de protagonistes d'un roman-photo : mère, père et fils (Ah, cet adolescent mal dans sa peau qui déteste sa maman pour ne pas avoir à s'avouer qu'il l'aime). On passera charitablement sur l'évocation du terrorisme et de l'islamophobie, très maladroite et embarrassante. Mauvignier appartient à l'écurie des Éditions de Minuit où l'on trouve des écrivains tels que Echenoz, Viel, Gailly ou encore Oster qui, eux aussi, usent le plus souvent de phrases courtes. Mais comment se fait-il que leurs livres cavalent alors que Continuer, en dépit de ses deux chevaux, s'enlise et n'avance guère jusqu'à un dénouement aussi prévisible que quasi grotesque.