À quoi ça sert un éclaireur ? À éclairer, Pardi !
Il y a quelques jours, l’un d’eux, parmi les plus discrets, l’a noté huit, sans commentaire. Qu’est-ce qui m’a poussé à aller voir de quoi il s’agissait ? Je l’ignore. Le résumé m’a interpelé, mais surtout, je suis tombé sur la chronique de "Lireaulit" qui m’avait échappé, à l’époque (ou je ne m’en souvenais plus – il a 6 ans). J’ai l’habitude des Grands enthousiasmes enflammés de Lireaulit, mais là, elle a fait fort, le Feu normand était devenu un embrasement incontrôlable attisé par les grandes sècheresses de l’été ! Il faut impérativement renforcer la flotte de Canadair !
Bon, c’était devenu une obligation, je devais le lire, point.
En plus, l’auteur, Laurent Mauvignier, je connais (un peu), j’ai lu « Histoires de la nuit » (tiens Lireaulit n’a pas aimé…), il y a deux ans (9/10).
Laurent Mauvignier est né à Tours en 1967, il est diplômé en arts plastiques (1991), il publie son premier roman Loin d'eux à 32 ans, en 1999. Suivront une douzaine de romans dont Continuer (2016) prix Culture et Bibliothèques pour tous 2017, et Histoires de la nuit (2020). Il a également écrit trois pièces de théâtre, cinq essais et divers textes et scenarii de télévision.
Poursuivons avec Continuer : (vous aurez remarquer que j’ai évité "continuons")
Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Eh bien voilà, je n’ai pas le bon livre… Mais j’ai le bon entretien !
Je n’ai pas le bon livre, car j’ai la version numérique de la réédition de poche 2018 (où ne figure pas la note ci-dessous), mais j’ai retrouvé le bon entretien de 2016, qui l’explique :
https://diacritik.com/2016/09/01/laurent-mauvignier-il-y-a-des-livres-qui-veulent-nous-soumettre-a-nos-peurs-plutot-que-de-les-interroger/#more-15008
Et donc, à la question : "Avant même que l’histoire de Sibylle et Samuel ne débute, vous indiquez en lisière de Continuer, par une note, que « L’idée de ce roman est venue de la lecture d’un article du Monde, en août 2014 ». Quel était le sujet de cet article et en quoi sa lecture a-t-elle pu faire naître chez vous le désir d’un récit ?"
Et Laurent d’expliquer : « Cet article, signé Pascale Krémer, raconte l’histoire d’un homme qui a emmené son fils, un adolescent en difficulté, faire une randonnée à cheval pendant trois mois au Kirghizistan. […] Cet article revenait sans cesse, il portait les germes d’une ouverture, d’un questionnement. […] Quand je me suis vraiment décidé à écrire ce livre, il était évident que je ne garderais de l’histoire originale que son ossature : j’ai très vite pensé que ce serait l’histoire d’une femme et de son fils, et non d’un homme. Le rapport père/fils m’intéresse, mais dans le contexte, je trouvais que c’était trop attendu – ce mélange de vie au grand air, des chevaux, de dépassement de soi et d’un rapport de transmission, tout ça avait une connotation « virile » qu’il fallait casser, assouplir, pour donner une matière plus malléable. »
Donc, c’est l’histoire d’un ado, Samuel, seize ans, qui a perdu tous les repères. Il est en rébellion contre tout et tous, et sans se l’avouer, contre lui-même, et qui accumule les bêtises, entrainé par quelques copains mal inspirés. Il est un peu caricatural, mais hélas il existe à des milliers d’exemplaires. Comment expliquer sa dérive sans dévoiler toute l’intrigue ? Car il est aussi victime. Victime de son père qui est un véritable connard… Mais n’a-t-il pas des raisons de se conduire en connard ? Et sa mère, Sibylle, est-elle si blanche ? Elle qui se débat contre ses propres fantômes. Qui n’a jamais aimé le père de Samuel. Qui s’est tu pensant protéger son fils alors que le mensonge, même par omission, ne peut qu’engendrer le déséquilibre. La chevauchée qu’elle s’impose, et qu’elle impose à Samuel dans les montagnes, "pour le sauver", ne participerait-elle pas à sa propre rédemption ?
« Il fallait que Samuel comprenne des valeurs qui étaient les choses simples et essentielles, les autres, le respect des autres, écouter les autres, la simplicité de la lenteur, du contact avec la vie, qu’on balance ce putain de monde qui nous sépare les uns des autres et qu’on arrête de prendre pour inéluctable ce qui ne l’était que par notre passivité, notre docilité, notre résignation. » Comme souvent, on ne dit rien et tout le monde en souffre. Par passivité, par docilité, par résignation, Sibylle se tait, et j’ajouterais, par erreur. Car ça lui vaut d’être l’incapable, la velléitaire de service, sujet de moqueries de son mari et de haine de son fils.
Il ne comprend pas. Il ne comprend pas la "punition" que sa mère lui impose, « Oui, ce que tout le monde regardait d’un œil émerveillé, lui trouvait ça complètement narcissique et délirant. Elle fait ça pour se donner le beau rôle. Elle fait ça pour se trouver formidable et sortir de sa propre merde, se disait-il, et si elle veut corriger des erreurs qu’elle a faites, eh bien, c’est trop tard, lui, il ne pardonnerait pas. »
Alors, comment faire, comment va-t-elle s’y prendre pour qu’un jour, comme le Phénix renaissant, devant son père ébahi, Samuel lui expliquera qu’il faut « Aller vers les autres, si on ne le fait pas un peu, même un peu, de temps en temps, tu comprends, je crois qu’on peut en crever. Les gens, mais les pays aussi en crèvent, tu comprends, tous, si on croit qu’on n’a pas besoin des autres ou que les autres sont seulement des dangers, alors on est foutu. Aller vers les autres, c’est pas renoncer à soi. » Mais aller vers les autres ne suffit pas, les autres se doivent de vous reconnaître.
Sans doute, la reconversion de Samuel a-t-elle été un peu brutale, mais il fallait bien finir le livre…
Je rejoins Lireaulit sur la beauté de certaines pages, mais je confirme que parfois on subit des longueurs et des lourdeurs dénoncées par 6nezfil. À vous de juger…