On a du mal à y croire, vraiment. Tout est trop dans ce bouquin qui plaque au lecteur de l'archétype à la truelle. Les flics, plus vrais que nature, ripoux bien entendu, réacs et racistes à souhait et qui se serrent les coudes quelles que soient les bavures et les malversations qu'ils commettent. Pas mieux pour ce qui concerne les politiciens, les fédéraux et les représentants de l'appareil judiciaires. On n'oubliera pas les truands, dans leurs diverses déclinaisons communautaires : blacks, mafiosi italiens et hispanophones. Tous cruels et sans scrupules. Encore que finalement, le lecteur comprend vite que, quelle que soit la corporation considérée, il n'y a pas seul un personnage pour rattraper les autres.
Alors évidemment, ce titre, Corruption, est plutôt bien choisi, même s'il ne provient que de la traduction française (le titre original est The force, du nom d'une brigade de police que dirige le personnage principal du roman, Malone). Tout ça nous donne quand même un bouquin qui manque un peu de nuance, c'est un euphémisme, avec des personnages, je l'ai déjà dit je crois, plutôt caricaturaux. Comment dire ? ça manque un peu de profondeur psychologique. Bon, il faut dire que l'action l'emporte assez largement sur l'introspection et de ce point de vue là, c'est plutôt réussi, l'écriture nerveuse et très cinématographique de Winslow s'y prêtant fort bien. Pour autant, j'ai tout de même très nettement préféré La griffe du chien et ses suites, dont le nombre de pages se prête mieux à la profondeur d'évocation.
Enfin, on n'échappe malheureusement pas à une fin convenue et que l'on voit arriver assez tôt dans le bouquin, tant elle parait avoir chaussé de gros sabots. Certes, il y a quelques rebondissements dans les ultimes pages : normal, ceux qui n'avaient encore trahi personne vont devoir le faire. Et puis, certains personnages n'étaient pas destinés à survivre, ce qui va obliger Malone à accélérer un peu dans le dernier tiers. Mais une fois que le boulot est torché, c'est parti pour la grande séquence finale de rédemption christique.
Eh ouais, c'est pas facile de briller dans un genre déjà largement couvert - et avec quel talent - par la littérature comme par le cinéma. Winslow, s'il s'en tire quand même honnêtement, n'y apporte par contre rien de plus, si ce n'est peut-être une once de dénonciation sociale. Mais parfois tellement cousue de fil blanc qu'elle peut peiner à faire mouche...