"Sa hantise est qu'un jour il ne reste plus que ce qui existe en ligne, et que ce qui n'aura pas été numérisé soit oublié. Quelque chose d'ancien est quelque chose de préservé et d'unique." Ainsi parle un des 3 personnages de "Cortex", le dernier roman d'Ann Scott, une romancière française. Angie, jeune réal française ; Russ, vieux producteur hollywoodien veuf depuis peu ; et Burt, un jeune humoriste américain, vont se croiser et se rencontrer car ce soir-là une bombe a explosé en pleine cérémonie des oscars à Los Angeles. On déplore la mort d'innombrables stars aussi célèbres que Meryl Streep, Al Pacino, Bradley Cooper ou encore Kate Winslet.
Or ce livre n'est pas seulement un reportage catastrophe avec des descriptions hyper techniques de l'organisation des secours et des soins aux blessés, ou encore la réponse à l'épineuse question "comment survivre à un deuil ?"... et, pour l'industrie du cinéma, "comment faire quand toutes les plus grandes stars sont mortes ?". Non. Pas seulement.
Portée par les 3 voix des personnages principaux, des estropiés de la vie qui essaient de s'entraider, l'auteure nous livre tout à la fois une critique féministe de la célébrité et du jeunisme à l'ère de la concentration des grosses boîtes de production d'Hollywood, et des réseaux sociaux, spécialement Twitter, vecteur privilégié de haine et d'un vide abyssal. Elle suit aussi de près les solitudes modernes ainsi que l'impact qu'elles ont sur les habitudes visionnage de contenu (séries, binge-watching en accéléré, consommation à outrance) et donc sur le cinéma lui-même.
Pourtant j'y ai vu un très bel hommage au cinéma d'avant l'avènement d'Internet et de la dématérialisation avec de nombreuses références aussi pointues qu'éclairées.
"On a remplacé le silence par une onde permanente sur laquelle se brancher n'importe quand pour ne plus jamais se sentir seul, mais elle s'est déjà transformée en bruit blanc. A croire qu'on a besoin de se divertir ou de se remplir jusqu'à pouvoir s'oublier"...