Bemberguement du bemberg dans le berg

"Sale chemin, reflets de cailloux brillants, lumière éclatante, bourdonnements, tremblements d'air chaud, le tout noir de soleil, et des maisonnettes, des clôtures, des champs, des bois, cette route, cette marche [...]."

Voyez comme les signes sont projetés, éparpillés de manière tout à fait anarchique dans une constellation d'objets divers. Bien qu'étrangers et extérieurs à soi, c'est la conscience qui les légitime de manière subjective.

Ces signes donnés sont agression, provocation : des objets indéchiffrables qui narguent le profane, démuni face à une complexité qu'il ne peut résoudre. Tous défilent et se donnent à l'intentionnalité d'un personnage, Witold, noyé dans un océan de signes.

C'est ce conglomérat de signes qui fonde le sens principal de Cosmos, roman essentiellement fondé sur la conscience et les phénomènes. Gombrowicz est, de fait, parvenu à insuffler une vie sémiotique et richement phénoménologique à son livre magistral.


"Trot régulier des chevaux. Un arbre. Il approche, il passe, il disparaît. Une clôture et une maison. Un petit champ planté de je ne sais quoi. Des prés en pente et des collines rondes. Un chariot à ridelles. Une réclame sur un tonneau. Une auto passe et s'enfuit."

Witold essaie désespérément d'assembler les pièces d'un puzzle, de reproduire une forme sensée, créer une vue d'ensemble, "Gestalt-analyser" tout cela. En vain.

Puis ces signes se rattachent, se lient les uns aux autres, dans des logiques formelles plus ou moins explicites. Une pensée en chasse une autre, et le signe chassé revient dans une forme d'idée fixe.


"Le moineau pendait."

"Le moineau pendait."

"Le moineau pendait."

Gombrowicz a lu Husserl, les signes sont happés par la conscience qui, par biais d'esquisses, ne peut saisir qu'une réalité subjective. Maurice Merleau-Ponty éclaire quelque peu ce mode de donnée subjectif avec sa conception de la perception :

"Percevoir, dans le sens plein du mot, c'est saisir un sens immanent au sensible avant tout jugement. Le phénomène de la perception vraie offre donc une signification inhérente aux signes dont le jugement n'est que l'expression facultative." (Phénoménologie de la perception, 1945)

La perception de Witold échappe au jugement… Tout s'entrelie arbitrairement, par le moteur des affects, plaisirs libidinaux et par pure contingence phénoménologique. Jeu de piste imaginaire, topographie du sens des signes reliés par voie de flux, la quête se solde par une frustration finale.

Les signes sont rassemblés, assemblés et les pensées s'échouent sur un rivage infranchissable : celui des signes qui collent à l'esprit, s'accrochent à notre conscience et ne peuvent désormais plus s'arracher qu'à mesure où d'autres - à plus forte adhérence - ne finissent enfin par les remplacer.

L'idée fixe conscientisée frappe et harcèle, et tout ramène à elle dans une spirale infernale :


"MOINEAU PENDU-BOUT DE BOIS PENDANT-CHAT ETRANGLÉ-PENDU-ENTERRÉ"

Cristaline63
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le 8 févr. 2024

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