Après avoir terminé un récit d'aventure nordique sympathique, mais un peu trop terre-à-terre, je cherchais une lecture plus spirituelle et profonde. Et je crois que « Croire aux Fauves » était le bon livre au bon moment pour moi.
Dès le début de la lecture, on se rend vite compte qu’il n’y aura pas de demi-mesure ici. Le verbe est vif, le propos puissant et la colère omniprésente aux premiers lendemains de la rencontre entre l’autrice et l’ours qui lui a arraché une partie de son visage. En tant que lecteur, on sent très vite si ça va accrocher entre nous et le style ultra vivant de Nastassja Martin.
Car Croire aux Fauves est un livre clairement clivant. Pour certains, ce sera certainement un récit qui paraîtra confus, désorganisé, prétentieux et simplement comme une somme de pensées égocentriques et mystiques. Nastassja Martin souffre, s’agace de son entourage et du corps médical, et n’apparaît pas toujours sympathique au lecteur. Mais il me semble qu’il faut probablement envisager Croire aux Fauves pour ce qu’il est réellement. C’est d’abord un récit de reconstruction personnel, brut, à fleur de peau. C’est à la fois un outil de réparation, un vortex de réflexions et de questionnements et surtout une porte ouverte sur d’autres croyances.
Nastassja Martin a un langage bien à elle, à la fois très poétique et universitaire. Elle n’essaie pas de rendre tout intelligible. Se basant sur ses carnets de notes diurnes - plus pragmatiques- et nocturnes - plus poétiques -, elle alterne les paragraphes mystiques sur l'arrivée dans son corps d'autres êtres comme l’ours, et les passages plus bruts concernant son opération du visage. Et cette écriture demande un certain lâcher prise au lecteur. On ne comprendra pas tout. Que ça soit certaines croyances Evènes (ce peuple Russe qu’elle connaît si bien), ou ce langage universitaire complexe, elle ne cherche pas à tout expliciter, à tout rendre compréhensible. Cependant, la puissance de « Croire aux Fauves » - et par extension, celle de l'autrice - est telle que la compréhension absolue du récit devient presque secondaire face à ce qu'il nous fait ressentir. Il faut ainsi réussir à laisser de côté sa part de soi trop pragmatique et ses croyances occidentales, et d’accepter d’envisager une autre manière de voir le monde où les êtres vivants se mélangent et où le rêve a toute son importance.
Croire aux Fauves dégage ainsi une réelle sincérité, et Nastassja Martin une telle intensité dans sa quête de sens sur sa rencontre avec l’ours. Il y a une puissance mystérieuse dans ce livre, qui dépasse les mots, qui dépasse la compréhension absolue. Croire aux fauves est un livre fascinant. Nulle doute qu’il est un peu foutraque, confus. Mais il est finalement tellement plus. Croire aux Fauves est un concentré de questionnements, d’ouverture à l’autre et à l’impalpable. Il est tout simplement un livre qui déborde de vie.