Je n'ai vu aucun 10/10 dans les critiques, que des notes l’environnant. Pourtant quand j'ai tourné la dernière page, cela ne faisait aucun doute pour moi, ce livre méritait la note maximale. Bien sûr qu'on peut trouver des défauts. Les longues explications sur le système judiciaire, le côté peut-être trop larmoyant des événements, on a même le droit de ne pas aimer le style de Carrère.
Moi voilà comment je vois les choses. Déjà, j'adore son écriture. Une langue vive, brève et douée d'une capacité de conteur exceptionnelle, il sait transformer chaque destin, même le plus basique, en récit captivant. J'avais adoré Limonov que j'ai lu quelques années auparavant. Le sujet très politique couplé à l'écriture de Carrère m'avait laissé un bon souvenir. Pourtant dans D'autres vies que la mienne le sujet m'emballait moins. J'ai eu peur d'y trouver l'ennuie, de ne pas m'intéresser à ce qu'il allait raconter. J'ai eu tort. Carrère raconte la vie, ni plus ni moins.On peut se dire que c'est assez facile de raconter les gens qui l'entourent, qu'il ne vas pas chercher bien loin, mais là n'est pas le but du livre.
Il s'agit ici avant tout d'un hommage. Et quand on le lit on a l'impression de s'immiscer dans les malheurs de gens ordinaires. L'écriture fait office d'exutoire pour Carrère, et de deuil ou même de souvenirs pour ceux qui sont concernés. Le projet n’apparaît plus seulement comme un "roman" mais comme un objet qui fait du bien, qui soulage, qui rappelle les disparus. J'ai aimé les différents portraits que faisait Carrère, j'ai aimé les digressions, même celles très techniques sur l'aventure judiciaire d'Etienne, j'ai aimé la sincérité des personnages, le recul qu'il prenait sur eux et j'ai énormément été touché par l'histoire de ce mari perdant sa femme. Je l'avoue, j'ai pleuré. J'étais là à lire dans le train et tout ce que je lisais me renvoyait à moi-même, je me disais : « Et si c'était moi cet homme, et si Juliette c'était ma copine ». Dur. Triste mais pas larmoyant, pas misérabiliste. Seulement vrai, le témoignage d'une chose, qui malheureusement, arrive à beaucoup de gens.
Et c'est parce que ce récit est vrai qu'il me touche autant. Je ne peux pas le nier.