I. De la déficience intellectuelle à l'apogée de l'intelligence.
Tant d’œuvres de fiction imaginent de potentiels scenarii où l'être humain utiliserait ses pleines facultés intellectuelles.
Les neurosciences évoluent constamment et pourtant l'utilisation des capacités intellectuelles à leur climax tombe encore aujourd'hui dans le domaine fictif.
Je relis ce livre des années plus tard, un œil nouveau sur ce qui me semblait être à l'époque un chef d’œuvre et me demandant si je n'allais tout simplement pas ruiner la vision si idyllique que j'avais de ce livre. Mais sans risque, pas de critique.
Avec délectation, je me retrouve plongée dans cette narration qui m'a émue, transcendée et accompagnée durant des heures si sombres.
Cette histoire nous amènera inévitablement à nous interroger sur la perception des relations humaines plutôt que le fantasme d'une intelligence supérieure.
II. Knowledge is power.
En ce début de roman et à travers les comptes rendus à la première personne, vous ferez la connaissance de Charlie Gordon, 32 ans.
Un homme pas comme les autres, sa différence est évidente dès les premières lignes de ses écrits : une écriture en phonétique, [Lex : mais la langue française ne tend-elle pas à évoluer dans ce sens ?], des phrases désordonnées, sans ponctuation et un vocale peu étoffé (qui s'apparente à celui d'un enfant de 5 ans).
Néanmoins, c'est à travers différentes anecdotes successives que nous découvrirons un jeune homme touchant et bienveillant.
Son regard candide nous permet de découvrir un entourage qu'il décrira toujours avec beaucoup de bienveillance et d'empathie. Ce prisme à travers lequel nous découvrirons ces personnages secondaires est celui d'un homme au QI sous-développé - dans un premier temps-.
Aussi, il est relativement aisé de se mettre à la place de Charlie et de vivre son quotidien tel qu'il le perçoit. Il est facile de ressentir que le seul but de Charlie est de devenir intelligent.
Grâce à de vastes recherches au sein de la communauté scientifique, deux chercheurs réussirent à mettre au point une opération capable de développer le quotient intellectuel des patients - à un niveau encore jamais égalé. [Qui n'en a jamais rêvé ?]
Après la dite opération, l'élévation de Charlie se fera en parallèle d'Algernon, une souris de laboratoire ayant subie les mêmes procédés, seulement quelques temps avant lui.
Très rapidement, Charlie apprend et comprend. C'est par l'évolution de la qualité des comptes rendus que l'on appréciera ces changements.
Si ces écrits n'étaient au départ que brouillons, c'est au fil des pages que l'on découvrira un personnage en pleine mutation intellectuelle et relationnelle.
Grâce à sa nouvelle compréhension du monde qui l'entoure, il percevra ses relations d'une manière nouvelle.
Si d'entrée de jeu, sa mère paraissait soucieuse que son fils développe ses capacités, il réalisera son côté abusif et violent.
Un père au premier abord aimant, se révélera lâche et finira par l'abandonner.
Une sœur protectrice mais jalouse à l'excès.
Néanmoins, il est important de noter de D.Keyes ne dépeint pas le portrait de ces personnages de manière binaire. Il serait beaucoup trop réducteur de dire que ce monde est tout noir ou tout blanc. C'est dans ces nuances que l'on éprouvera de la compassion pour chacun d'entre eux, malgré leurs défauts, aussi humains soient-ils. Il n'est pas au lecteur de décider du bien-fondé des décisions qu'ils prendront tous vis-à-vis de Charlie, mais à lui-même d'en juger.
III. Ignorance is bliss.
C'est à travers Algernon que Charlie percevra la fin de son évolution puis sa régression.
Si l'apogée de son intelligence le rendra asocial, hautain et pédant, son déclin n'en sera que salvateur dans ses relations aux autres.
A la fin de ce récit, le lecteur ne pourra que se poser une seule question : pour être heureux, doit-on être ignorant ?
Bonne lecture.