Pour ce qui devait être mon premier roman de science fiction, je n'ai pas été déçu.
Le récit est en effet extrêmement bien mené, tant dans son rythme que dans sa forme. On commence par exemple en découvrant une situation particulière, pour prendre à chaque chapitre un peu plus de recul sur l'univers imainé. Mais contrairement à une narration classique, Eschbach choisi de tout changer à chaque chapitre. On change donc de protagonistes, de villes, de planète. Cela donne à la fois une grande liberté à l'auteur, qui se dégage ainsi de nombreuses contraintes (il peut faire mourir ses personnages, par exemple, il n'a pas à tout expliquer, tout justifier), et en même temps, cela crée le sentiment que le lecteur participe à la construction du récit, lui qui doit recoller les pièces du puzzle global, en même temps qu'il a de la place pour composer, lui aussi d'autres pièces.
Ainsi, chaque petite scène, bien qu'elle puisse être comprise isolément, est avant tout une clef pour dénouer le fil global de l'histoire. De plus, un peu à la manière d'une narration chez Tarantino, il arrive du coup que l'on revoit une situation sous plusieurs angles différents, comme si, non seulement il y avait un nombre incroyable d'histoires dans l'histoire, mais qu'en plus il y avait un grand nombre de points de vue différents sur ces événements.
Bien sûr, tout cela resterait vain, si ce n'était mis en place dans le cadre d'un scénario maîtrisé. Et c'est bien sûr le cas, ici, où l'univers créé parait d'autant plus cohérent qu'il ne nécessite aucun effort superflu d'imagination. Pas un seul moment on ne se pose la question du comment. Comment telle machine peut fonctionner, comment tel mécanisme a-t-il pu être créé ? On en sait suffisamment pour ne pas avoir à s'embarrasser de tels questionnements, ce qui donne le sentiment, qu'au final, tout est crédible.
Mon seul regret se situe au niveau du style d'écriture de Eschbach, que je trouve un peu lent. Trop souvent, voyant ce qu'il voulait ou allait dire, je voulais sauter à la fin du paragraphe, comme si le rythme des mots ne correspondait pas à l'histoire. Mais au fur et à mesure que j'ai avancé dans ce canvas géant, j'ai oublié ce détail pour me focaliser sur le monde qui se dessine devant nous, morceau par morceau.
Dans ce cas, on accepte tout ce que nous décrit Eschbach et on avance dans le récit en se laissant embarqué par ce zoom arrière, dont on se demande s'il ne correspond pas, finalement, à notre chute vers les abysses de la folie humaine.