Tout d'abord quelques mots sur la couverture
la bandeaux promotionnels directement imprimés sur la couverture, c'est une hérésie. Cela enlaidit l'objet.
La couverture et le titre visent un public que je pense être féminin (de type chicklit) et ne rend pas hommage au texte qui n'est assurément pas de la littérature fleur bleue.
quant au titre français, il dénature le titre polonais: la traduction serait: "Autan et autres temps"
Le livre est composé de courts chapitres centré sur parfois des objets, de personnes, d'esprits... qui se nomment "Le temps de..."
C'est le village d'Antan en Pologne qui est au coeur du récit entre les années 20 (période de traditions, de religion, de croyances) et une époque plus ou moins contemporaine. Olga Tokarczuk y déploie une belle langue (qui s'essouffle peut-être un peu au tiers du livre) pour évoquer le temps qui passe, le rapport à la vie, au prosaïque comme au spirituel. Il y a un peu de philosophie qui y circule. Les individus vivent, meurent se déploient dans une temporalité que maîtrise l'auteur.
Le livre vaut le détour. La traduction me semble de qualité.
Un extrait du temps du moulin à café:
« Le moulin à café possède un ventre de porcelaine blanche, un ventre creux où un petit tiroir de bois récupère le fruit du travail. Le ventre est coiffé d’un chapeau de laiton surmonté d’une manivelle à embout de bois. Le chapeau est percé d’un orifice fermé par un volet – c’est là qu’on verse les grains.
Le moulin vit le jour dans quelque manufacture, puis il échoua au domicile de quelqu’un, et quotidiennement, avant midi, il moulut du café. Des mains chaudes et vivantes le tenaient. Elles le pressaient contre une poitrine où, sous un vêtement de percale ou de flanelle, battait un cœur humain. Puis la guerre arracha le moulin à la sécurité du placard de la cuisine, elle le précipita dans un carton, aux côtés d’autres objets, le fourra dans des sacs de voyage, dans des sacs de jute, dans des wagons où des gens tenaillés par la peur de la mort violente fuyaient droit devant eux. Le moulin à café, de même que toute chose, s’imprégnait de la confusion du monde : trains mitraillés, indolents ruisselets de sang, maisons abandonnées dont les fenêtres deviennent le jouet du vent. Le moulin à café absorba la chaleur de corps humains« en train de refroidir, emmagasina le désespoir de quitter ce qui est familier. Des mains le touchaient qui, toutes, déposaient en lui une multitude d’émotions et de pensées. Le moulin à café s’en imbibait car toute matière a cette propriété : fixer ce qui est volatile, fugace, transitoire. »
Bonne lecture!