Disgrâce
7.4
Disgrâce

livre de J. M. Coetzee ()

J M Coetzee, prix Nobel de littérature en 2003 livre ici un roman pour le moins implacable pour ne pas dire désespérant. D'une écriture sèche et précise il s'efforce de nous rendre compte de la disgrâce qui atteint son personnage principal, l'universitaire David Lurie, pur produit de ces blancs d'Afrique du Sud , autrefois sûrs d'eux même, orgueilleux et volontiers dominateurs mais qui voient tout s 'effondrer autour d'eux, impuissants, depuis la fin de l' apartheid.
Dès le début donc Coetzee ne fait rien pour nous le rendre sympathique ce David Lurie avant de nous montrer comment il vacille sous le coup d'un scandale causé par une banale turpitude sexuelle avec une de ses étudiantes. C'est donc sans empathie mais avec lucidité que nous l'observons se débattre pour ne pas perdre la face, refusant de reconnaitre sa faute. Il finit par choisir ou fait mine de choisir de tout plaquer, pour rejoindre sa fille qui vit dans une ferme isolée. Il se raconte à lui même qu'ainsi il va avoir du temps pour écrire cette œuvre auquel il songe depuis des années mais très vite il déchante, en panne d'inspiration il a de surcroit bien du mal à s'adapter à la rude vie campagnarde que lui offre sa fille. C'est donc totalement désemparé qu'il reçoit le premier coup de grâce en ne pouvant la sauver d'un viol collectif commis par de jeunes noirs dont on devine qu'ils estiment être dans leur bon droit de faire ça à une blanche..... La complicité silencieuse d'un voisin noir le rend encore plus mal à l' aise tandis que le coup de grâce final le frappe: il est incapable d'aider la seule personne qu'il chérisse, son enfant, à se rétablir. Lui qui ne comprenait pas déjà son choix de vivre en fermière au milieu de noirs, ne comprend pas plus les raisons qui la poussent à taire ce crime ( peur, résignation, sentiment de culpabilité, impossibilité pour une femme de parler de ça) et porter cet enfant du malheur, Coetzee ne nous épargne rien mais sans pathos...Et c'est ainsi je crois que nous lecteurs finissons par réaliser que c'est ce pays tout entier qui l' a vu naitre que David Lurie ne comprend plus. ( note: après la publication de ce roman, Coetzee s'est exilé en Australie...) Son seul dérivatif, sa seule consolation réside dans une activité qu'il avait trouvé de premier aborde détestable, assistant d'euthanasie pour animaux, avant qu'il ne lui découvre une sorte de dignité au milieu de ce chaos humain...
La dialectique autrefois/ aujourd’hui, blanc/noir, est bien présente quoique discrète, Coetzee n' appuie jamais sa démonstration, une démonstration malgré tout cinglante et sans appel de la disgrâce dans tous ses aspects, sans qu'il ne tranche cependant entre fatalisme et punition implacable. Le livre est à la fois cruel et ambigu, d'un rare pessimisme assumé mais tout en sobriété, un livre exigeant dont on ne sort pas indemne.

PhyleasFogg
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le 20 oct. 2012

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