Après une guerre des plus dévastatrices qui a condamnée la Terre à un supplice irradié, l'Empire Chrétien Moderne règne désormais sans partage sur une humanité meurtrie dont les sociétés ont fini par renouer avec le féodalisme moyenâgeux.
Sous l'impulsion de l'autorité pontificale, une expédition interstellaire ambitieuse est lancée vers Akya d'Alpha du centaure afin de partir à la conquête de nouveaux territoires et d'apporter la lumière bienveillante du seigneur au sein des plus noires profondeurs de l'espace.
Une fois arrivé sur place, le corps expéditionnaire fait une découverte remarquable et pour le moins inattendue : un peuple habite déjà sur cette planète, les Atamides. Mais, Akya recèle un chose encore plus prodigieuse : le véritable tombeau du Christ.
Après avoir essayé de s'en emparer, l’expédition se fait entièrement massacrer par les autochtones, peu enclins au partage et au dialogue.
Suite à cela, le Pape lance l'appel à la première croisade interstellaire et ordonne l’achèvement d'un gigantesque vaisseau pour le transport des croisés, le Saint-Michel, afin de libérer le tombeau.
Parmi ces croisés, se trouvent Tancrède de Tarente, un méta-guerrier ainsi que Albéric Villejust, un ingénieur enrôlé de force. Tout deux sont impliqués dans dans une croisade sans précédents vers une nouvelle Jérusalem hors du Royaume des Hommes.
Mais durant le voyage, des choses étranges se déroulent dans les coursives ténébreuses du Saint-Michel. Des disparitions, des meurtres sordides couverts par la hiérarchie, l'apparition d'une revue clandestine et les manigances politiques de Robert le Diable présagent une guerre sainte interplanétaire semée d’embûches et de discordes.


Inspiré des événements de la première croisade et du poème  la Jérusalem délivrée, Dominium Mundi situe son action au sein d'un univers dystopique où la religion et l'autorité du Vatican disposent d'un pouvoir incommensurable sur l'agencement de la société.
Premier roman de François Baranger, Dominium Mundi est donc un space-opéra qui mélange sans ménagement les références culturelles de l'histoire chrétienne et les mécaniques scénaristiques propres à la science-fiction spatiale.


Important de le savoir, l’œuvre est un diptyque et est véritablement divisée en deux parties indissociables l'une de l'autre.
La première se déroule à bord du Saint-Michel en route pour sa destination et se centre sur différents thèmes comme les clivages entres les différents personnages, la vie à bord du vaisseau, les entraînements militaires intensifs et l’enquête officieuse de Tancrède sur une série de meurtres.
La seconde, quant à elle, se déroule sur Akya et narre les événements de la grande croisade contre les Atamides mais je n'en dis pas plus.


C'est à travers son univers particulièrement original que Dominium Mundi arrive à se démarquer.
L’exercice de mélanger archaïsme religieux et science-fiction spatiale peut très rapidement se révéler casse-gueule et tourner en vaste blague mais ce n'est pas le cas ici.
Excepté quelques maladresses, François Baranger arrive à proposer un avenir crédible avec des sociétés féodales développées et une culture chrétienne des plus obscurantistes qui arrivent paradoxalement à expliquer le développement de sa technologie.
Pire, l'auteur arrive même à justifier, sans tourner le concept en ridicule, la présence du tombeau du Christ sur une planète étrangère.
Ici nous avons donc le droit à un brillant mélange d'histoire, de cyberpunk, de space-opera, de post-apocalyptique, de Thriller et de Science-fiction militariste.


Pour donner de la profondeur et surtout de la cohérence à ce véritable melting-pot d'idées, l'auteur a en premier lieu crée toute une galerie de personnages issus des différentes classes de la société de l'Empire Chrétien en s'inspirant de notre propre Histoire (Pierre l'Ermite, Godefroy de Bouillon) ou en s'inspirant de la Jérusalem délivrée (Tancrède, Clorinde).
Parmi cette galerie de personnage se trouve donc Tancrède de Tarente, un individu charismatique et attachant qui campe ici le rôle de protagoniste principal de l'aventure.


À travers ses doutes et ses interrogations légitimes, l'auteur met en avant les failles d'un monde où la religion domine les arcanes du pouvoir politique.
Je vais éviter de trop spoiler mais les pérégrinations de Tancrède vont rapidement mettre à mal ses certitudes et l’amener à changer brutalement de mode de pensée sans que cela ne soit trop forcé ou mal amené.


Si Tancrède de Tarente reste le personnage principal de l’œuvre, le livre n'hésite cependant pas à s'attarder longuement sur d'autres personnages radicalement différents comme Albéric Villejust qui, à travers ses aventures narrés à la première personne, montre une facette caché de l'Empire et le fonctionnement du vaisseau ou encore Clorinde, qui représente l'archétype de la religieuse carriériste et dogmatique.
Il y a même d'autres parties entièrement tournées vers les membres du conseil de la croisade : Godefroy de Bouillon, Robert le Diable et même Pierre l'Ermite.
C'est cette multiplication des points de vue qui permet au livre de ne jamais devenir trop lassant ou trop répétitif en plus d'offrir un développement solide et passionnant au fonctionnement de la société de l'Empire Chrétien.


En plus de cela, le livre est relativement bien écrit et propose une plume harmonieuse et agréable qui évite les formulations trop ampoulées et invraisemblables ou les longueurs interminables qui ne se focalisent que sur un aspect sans importance de l'univers. Il s'en dégage un rythme agréable et fluide malgré les 1500 pages où les interrogations et les interactions des personnages sont au cœur du récit.


Dominium Mundi est donc un excellent premier livre.
Malgré quelque touches de naïveté et des petites maladresses comme le comportement caricatural de Robert le Diable où la relation amour-haine moyennement réussie de Tancrède et Clorinde, le livre se montre incroyablement captivant et divertissant en proposant un univers atypique des plus fascinants et une intrigue accrocheuse rondement bien menée.
François Baranger nous offre un excellent space-opéra qui mérite un peu plus de visibilité.
C'est un livre à la fois simple, rafraîchissant et intelligent qui dépeint avec habilité, une société moralisatrice, archaïque et gangrenée par la corruption et l'injustice.


Bref, vivement recommandé !

Asarkias
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 2 juil. 2015

Critique lue 4.2K fois

9 j'aime

3 commentaires

Asarkias

Écrit par

Critique lue 4.2K fois

9
3

D'autres avis sur Dominium Mundi, livre 1

Dominium Mundi, livre 1
Cluric
6

La croisade s'ennuie

Dominium mundi c'est une sainte croisade chrétienne qui s'embarque pour aller chercher le corps du Christ... sur une planète d'Alpha du Centaure ! Dans une Terre partiellement irradiée au siècle...

le 31 janv. 2016

3 j'aime

5

Dominium Mundi, livre 1
Spacewolf1
8

Efficace mais sans LE truc...

Nous sommes en 2202, après la terrible "Guerre de une heure" la Terre s'est vu ravagée et irradiée dans de très nombreuses régions. Dans ce contexte, la religion s'est de nouveau imposée comme du...

le 4 juin 2016

3 j'aime

Dominium Mundi, livre 1
Gwynplaine
8

Jesus is an astronaut

Sacré (si j'ose dire) petit pavé que ce premier tome de Dominium Mundi, et le second l'est davantage. Il faut dire que François Baranger est un grand bavard quand il ne s'adonne pas à ses talents...

le 19 août 2018

1 j'aime

Du même critique

Warcraft : Le Commencement
Asarkias
4

Moins impressionant qu'une cinématique de WOW

Warcraft, l’une des licences les plus juteuses du monde du jeu vidéo a enfin le droit à son adaptation au cinéma après des années d’errances, d’espoirs brisés et de fantasmes entretenus par une...

le 27 mai 2016

47 j'aime

6

Mad Max - Fury Road
Asarkias
10

"La route ? Là où on va, on n'a pas besoin... de route !"

Une voix-off caverneuse qui révèle la déchéance de la morale, de la justice et de la société, une poussière régnant sans partage sur un monde brisé et anarchique, des hommes réduits à leurs plus bas...

le 15 mai 2015

41 j'aime

7

Prey
Asarkias
10

L'Homme dans le labyrinthe

Depuis ses humbles débuts avec Arx Fatalis et Dark Messiah, jusqu’à la consécration avec Dishonored, Arkane n’a jamais caché l’influence considérable des titres de Looking Glass et Ion Storm sur...

le 2 juin 2017

32 j'aime

4