Première pause à la page 35, pas par manque de concentration, ni par ennui ou désintérêt. J'arrête par nécessité, je pressens que je pourrais facilement dévorer ce livre mais qu'il va me falloir des pauses pour en digérer la violence.
'' En finir avec Eddy Bellegueule'' OU "En finir avec la Honte et l'Humiliation ?
Finalement je l'ai fini du deuxième coup, il fallait que ça s'arrête.
C'est un épisode de strip tease mis en livre. Un des plus trash, sans doutes. Tout y es: la misère, la vérité brute qui claque, la crasse. J'ai lu ce livre comme je visionne un épisode de cette émission belge des années 90 (strip tease) : avec un intérêt débordé par la culpabilité, avec une fascination qui frôle le voyeurisme. J'ai appris pleins de choses, j'ai pris conscience de problèmes, j'ai tout le temps eu la boule au ventre, et parfois été choquée. En clair, je été bousculée car j'ai eu accès, le temps d'un livre à un autre monde complètement réel. L'intérêt sociologique est évident et pourtant, on entre dans l'intimité de gens pauvres et ignorants, le mépris mêlé de dégoût n'est jamais loin. D'où mon malaise. Un malaise nécessaire ?
Est-ce que je recommande ce livre? Qu'est ce que j'en pense ?
J'ai cette crainte de ne pas avoir de légitimité pour donner mon avis. Tout dans ce livre me renvoie à mon sort de privilégié et m'explique en filigrane que je ne comprendrai jamais.
Comment peut on donner son avis sur une vérité brute ? Il faut l'avaler. C'est tout. Ce livre est un documentaire, une enquête de terrain.
Édouard Louis en parle comme une invitation à la révolte. Ce n'est pas ce que cela m'inspire, qu'est ce que je peux faire de ce livre moi ? C'est une invitation à la révolte de qui ?
La question du transfuge social me passionne depuis que '' La vie est un long fleuve tranquille'' . D'où vient cette mystérieuse énergie chez certains êtres, qui les pousse à s'extraire de leur milieu? Le cas d'Édouard Louis est extra-ordinaire car l'ascension sociale est fulgurante donc fascinante. Son livre qui raconte son histoire l'est donc aussi. Je crois que la forme m'a bien moins importé que le fond.
Être un transfuge social c'est faire l'expérience profonde de la solitude tout au long de sa vie. C'est savoir que l'on sera à tout jamais détaché de son point d'origine et jamais complètement incorporé à la destination rêvée. C'est l'histoire d' Eddy qui dans une une sorte de pacte mystérieux , troque sa fatalité contre la solitude d'Édouard.
Quelle est la part de choix dans cette histoire ?