La baffe du début d'année !
Bon déjà , avec un titre pareil, ça me donne envie. J'ai à peine lu la quatrième de couv, rien lu sur l'écrivain, je sais juste qu'il a 21 ans et que c'est son premier roman...autobiographique. Allez hop, j'ouvre le bouquin.
Fin de journée.
Bah voilà, j'ai pris ma première baffe littéraire de l'année. Putain ça calme. Désolé pour ce commentaire brut mais là, je n'arrive pas à m'exprimer autrement. Enfin je vais essayer pour la suite.
Un roman que vous ne lâchez pas avant d'avoir terminé. Sincèrement, ce n'est pas si fréquent (enfin pour ma part).
Première scène. Collège de campagne. Eddy Bellegueule reste sans rien dire, le sourire aux lèvres (de peur des représailles) après s'être fait cracher dessus. Puis il se fait tabasser. Là encore sans rien dire. A partir de là, Eddy nous parle de sa vie dans un village du Nord avec sa famille où pauvreté et violence font bon ménage.
Et là je peux vous dire qu'on y croit à ces personnages. Un père gros et gras, ne bouffant que des frites, se bourrant la gueule tous les soirs avec ses copains de l'usine...avant de se retrouver au chômage pour invalidité. Une mère qui passe son temps à récurer sa porcherie de maison tout en insultant la télévision quand elle voit un noir ou un arabe. Pleine de rancœur, de dégoût vis à vis de la société et des politiques en général. Des frères qui reproduisent ce qu'ils voient au quotidien : se battre avec les copains, picoler et fumer et tenter de lever les filles du village qui sont bien entendus que des salopes.
Manque de chance pour cette famille, leur fils, Eddy est tout le contraire d'eux. Il n'en faut pas beaucoup pour que ses parents s'inquiètent et se révulsent de ses manières de fille, sa voix aiguë, son asthme qui l'empêche de se battre, toujours fourré dans les jupes de sa mère. Une vraie lopette, une sale tapette, une grosse fiotte ma parole ! Et puis ça commence à jaser dans le village, que vont dire les voisins ? Que dire à l'entraîneur de foot qu'Eddy ne veut plus en faire ?
Eddy passe son temps à essuyer au quotidien les moqueries des élèves et de ses parents. Souffrance, angoisse, peur. Honte d'être soi-même. Dégoût et rejet de sa propre sexualité. Tenter de rentrer dans le moule, d'être un vrai dur. Dans l'impossibilité de se révolter, il entrera dans une relation sado masochiste avec ses cousins qui abuseront de lui. Eddy aura bien du mal correspondre à l'image de ce qu'on attend du lui et à se construite, à créer sa propre identité.
C'est tout ce quotidien répugnant et violent, cette accumulation de misère qui sont passés en revue. L'auteur retranscrit le langage parlé de ses proches, ce qui donne une force et une véracité au récit. On se demande en tant que lecteur comment Eddy va réussir à s'en sortir dans de telles conditions, à vivre son homosexualité.
Certains reprocheront à Edouard Louis de trop en faire, d'être constamment dans l'apitoiement, dans le misérabilisme. Pour ma part, j'ai trouvé ce récit d'une grande justesse et d'une sincérité désarmante. Ce qui est assez réussit, c'est qu'à aucun moment, Eddy se pose en victime ou montre un doigt accusateurs envers ses parents et à ceux qui le violentent. Un témoignage dur et révoltant sur la bêtise, la vulgarité, et l'ignorance.
Et enfin le début superbe du roman :
De mon enfance je n'ai aucun souvenir heureux. Je ne veux pas dire que jamais, durant ces années, je n'ai éprouvé un sentiment de bonheur ou de joie. Simplement la souffrance est totalitaire : tout ce qui n'entre pas dans son système, elle le fait disparaître.
Un premier roman réussit, très émouvant. Un vrai choc.