J'ai failli rapidement abandonner ce livre, non pas qu'il est mal écrit, mais autant j'ai aucun problème dans les romans avec les meurtres fictifs les plus sordides, les guerres les plus sanglantes, les destins les plus torturés, autant là le thème des migrants arrachés à leur vie dans leur pays, abandonnés à leur sort dans les autres, ça m'a un peu trop rappelé l'imbécillité du "vrai" monde. J'étais pas sûr que l'histoire d'une famille déchirée, à qui ont fait vivre les pires malheurs était la lecture dont j'avais besoin. Bon très vite le récit prend une tournure assez radicale, qui paradoxalement fait que j'ai pu poursuivre, et finir le livre sans finir sous anti dépresseurs.
Faire évoluer son histoire dans la Jungle de Calais est clairement un pari audacieux, et relevé par l'auteur qui a encore bien bossé son sujet. La misère et l'abandon sont là, l'envie de vivre de chacun aussi. Aucun moment de flottement dans l'histoire on suit le destin des protagonistes avec ferveur.
Le seul petit reproche que j'en ferai, c'est qu'un moment entre le début très "social" et quelques pages qui viennent flirter avec le contre espionnage, j'en avais presque oublié qu'il s'agissait d'un polar, et j'avais pensé un moment être emmené très loin mais le dernier tiers du livre me l'a vite rappelé, on laisse au final de côté tous ces grands thèmes pour se recentrer sur une notre "petite" histoire du début. C'est plutôt bien conclu mais avec une certaine "facilité" qui laisse peut être un peu sur sa faim.
Mais encore une fois bravo à l'auteur de s'être attaqué à ce sujet, au combien casse-gueule (et à l'éditeur de l'avoir suivi), et de l'avoir fait avec sérieux sans sacrifier son récit.
- J'ai l'impression que le camp de réfugiés est au centre de beaucoup de tensions. Cette Jungle, vous y allez souvent ?
- Aux abords, tous les jours. À l'entrée, quand il le faut. Mais, dedans, rarement. C'est à la fois une zone de non-droit et un bidonville.
- Et votre job consiste en quoi ?
(…)
- J'aurais presque honte de le décrire. Faut le vivre. Mais personne ne veut le vivre. Nous, on y arrive à peine.