Epépé repose sur une proposition radicale : la découverte d'une société très proche de la nôtre (très connotée bloc de l'Est tout de même) mais où les langues et écritures de notre monde sont totalement ignorées.
Le livre est une oeuvre de science-fiction dans tout ce que le genre peut avoir de plus cérébrale : l'ambition de l'auteur semble clairement être de lister exhaustivement toutes les méthodes possibles et imaginables pour communiquer avec les autochtones et quitter la ville. A la lourdeur de l'énumération s'ajoute un environnement littéralement conçut pour que les tentatives du héros échouent, jusqu'à l'invraisemblance (exemple : le personnage est bloqué régulièrement par des mouvements de foule continus), jusqu'à n'être plus qu'une pure vision de l'esprit.
Le héros est intelligent et tente tout pour appréhender la langue, l'urbanisme, la géographie des lieux, etc. intellectuellement c'est intéressant et l'érudition de l'auteur est clairement démontrée mais l'exercice est très froid.
Vers la centaine de pages, le héros semble lâcher prise et vagabonder, il traverse une fête, va voir une prostituée, et on sent l'oeuvre dévier de son programme SF pour s'incarner un peu plus. Malheureusement, la soirée finie, on retrouve la rationnalité étouffante des pages précédentes.
Reste alors, pour se réchauffer un peu, la capacité du livre à faire penser à d'autres oeuvres : Carrère en préface dit que la qualification de "kafkaïen" est un peu rapide mais il faut admettre qu'elle est évidente. J'ai aussi pensé au film intriguant "La Clepsydre" de Wojciech Has, comme si l'Europe Centrale était le terreau le plus fertile aux oeuvres sur l'absurde.