Les récits post-apocalyptiques sont devenus un genre en soi en littérature avec des ouvrages référents en la matière comme La route, Je suis une légende ou Ravage. Beaucoup d’écrivains non spécialistes de SF s’y sont essayés avec un certain bonheur et une vraie originalité comme Niccolo Ammaniti, par exemple, avec Anna. Tout le défi est d’imprimer ses propres personnalité et style et c’est ce que Sandrine Collette réussit à faire en grande partie dans Et toujours les forêts. Elle commence d’ailleurs tambour battant en prenant son personnage principal, Corentin, bien avant la fin du monde, au fil d’une existence cahoteuse, la plupart du temps loin de sa mère qui ne veut pas de lui, avec une enfance traumatique qui va forger son caractère qui s’adaptera aux temps incertains qu’il devra affronter. C’est la première originalité du roman que celle d’évoquer l’avant de l’après, en quelque sorte, sur un plan psychologique, pour celui qui est le personnage du livre. En ce qui concerne l’action proprement dite, il y a après la sidération, la description d’une errance, classique mais pas totalement désespérée puisque avec un objectif final, de refuge. Sandrine Collette n’a pas cherché à refaire La route de Cormac McCarthy, elle a d’ailleurs confié ne l’avoir lu qu’après avoir rédigé une première version de Et toujours les forêts. Ce qui l’intéresse, c’est bien évidemment la survie (quoi d’autre ?) et tout ce qui l’accompagne en matière de subsistance alimentaire mais elle se penche surtout sur la recréation d’un noyau familial, au sein d’une nature défigurée et qui doit aussi se régénérer. L’écriture de Sandrine Collette, sèche et lyrique par endroits, ne fait pas de concession à un quelconque sentimentalisme. C’est une qualité mais peut aussi constituer un écueil, tant c’est bien plus l’effroi et la noirceur que l’émotion qui domine au fil des pages. Sandrine Collette n’a sans doute pas réinventé le roman post-apocalyptique et certains passages, vers le milieu du livre, marquent même un certain défaut d’inspiration, mais elle a su lui donner des contours inaccoutumés et novateurs qui l’inscrivent sinon dans le Panthéon du moins assez haut dans la hiérarchie des romans dits post-apocalyptiques, appréciables même par ceux qui n’ont aucune affinité avec la science-fiction.