Pensée de l'auteur trop présente, intrigue prétexte

J’en retiens deux choses : le genre de l’action catastrophe et le sujet de l’écologie.


Je n’ai pas accroché à l’aspect action de l’histoire.

Elle semblait d’ailleurs plus être un prétexte pour développer l’idée de l’auteur au sujet de l’écologie politisée et son instrumentalisation qu’autre chose (d’ailleurs à la fin par soucis d’honnêteté il précise sa pensée sur le sujet en tant qu’auteur mais ça me semblait déjà limpide à la lecture de l’histoire). Chez Crichton je trouve que les histoires sont toujours prétexte à développer un peu sur divers sujets et c’est même ce qui me plaît sauf que là le côté partisan était trop présent et je m’en foutais de l’histoire j’étais plus dans l’expectative de « ok tu veux en venir où exactement ? ». Rôle que remplissait Kenner qui déroulait doctement des démonstrations sur les idées reçues qu’on peut avoir vis-à-vis du climat (et pourtant il m’a convaincue, tout du moins sans réelle contradiction présente). On sentait qu’il devait être agacé et voulait en découdre.

Et l’histoire-prétexte qui amène les réflexions en devient trop grandiloquente à mon goût. Grosso merdo on suit à travers le monde des gens qui veulent empêcher une organisation écologiste de déclencher des catastrophes naturelles pour servir leurs propos alarmistes. Mais qui dit catastrophes environnementales dit tornades, tsunamis, fontes de glacier, & cie. Le ridicule de la grandeur des évènements que les militants écologistes tentent de faire, les voyages de partout dans le monde en une formalité, les plans de dingue, etc. J’ai vu mon lot de téléfilms catastrophe, toujours un peu ringards et un peu stimulants mais en livre… Pas fan.

C’était illisible et too much pour moi. Il a condensé tout ce qui peut se faire en la matière en un livre. Comme un enchaînement d’épisode des Totally Spies avec des plans diaboliques ridiculement oufissimes.

Puis le personnage principal – l’avocat Peter Evans – est sympathique mais tout du long je me demandais "qu’est-ce qu’il fout là ?". Pourquoi il suivait l’histoire lui-même ? Pourquoi se mettre en danger ? Quel intérêt pour lui ? Pareil pour l’assistante Sarah. Donc dur de m’impliquer.



Maintenant l’aspect débattu du mouvement écologiste et des prédictions alarmistes qui m’a intéressée.

Le livre m’a permis de me rendre compte qu’au final je n’ai aucune idée de mon avis sur le sujet. Que je ne suis même pas sûre de comprendre quelles sont les théories défendues et qu’est-ce qu’on nomme quasi quotidiennement maintenant, qu’il y a des choses que je considère comme évidentes (réchauffement climatique, fonte des glaces, blablabla) sans pour autant qu’on ne me les ait jamais réellement présentées. Que je ne sais même pas faire la distinction entre écologie, souscription à toutes les théories de catastrophes environnementales, pollution, etc. Je ne sais pas si c’est nécessairement lié, si l’un découle de l’autre, si ça peut être envisagé séparément etc.

Le livre date d’il y a 20 ans au moment où je le lis et en 20 ans je n’ai pas le sentiment (je parle bien de sentiment parce que je ne suis pas factuellement et scientifiquement éclairée sur le sujet) que les choses aient changées où qu’elles deviendraient plus pressantes. Oui un été sur l’autre est pas forcément pareil mais est-ce que c’est pas juste normal ? Je saurais pas dire. Et il y a toujours cette petite voix dubitative qui me dit « mais comment on peut prévoir des trucs immenses concernant le climat mais même pas assurément le temps qu’il fera sur toute une semaine ou un mois à l’avance (pour ne pas parler du lendemain) ? »


Dans le livre donc, on comprend que Crichton n’est pas pour la pollution et les activités intensives au détriment de la Terre mais souhaite dénoncer des travers qu’on aurait tendance à tolérer voire accepter sous couvert de grande intentions morales. Du coup le lobbying mensonger et manipulateur n’est pas retrouvé chez les gros industriels mais dans une grosse organisation écologiste internationale. Organisation qui en vient à tenter de provoquer de grandes catastrophes pour servir leurs discours alarmistes parce que « dès qu’on est en hiver les gens cessent de penser au réchauffement climatique, on reçoit moins de dons ». Et ce renversement des valeurs un brin grossier est quand même intéressant à voir être exploré.


J’ai aimé plusieurs idées :

  • le rappel du fait qu’une organisation qui a grossi, a son statut bien installé, a ses propres intérêts lui laissant nécessairement le loisir elle aussi de pouvoir avoir recours à des méthodes de communiquant peu nobles pour conserver sa place et son importance. Ça devient limite un privilège et comme tous les privilèges on veut les garder et l’intention première de sauver la planète (dans le cas présent) n’est plus forcément le réel moteur principal ;
  • le fait qu’il y a toujours une idée d’enfant pas partageur quand on reproche à la Chine ou un pays en développement de beaucoup polluer, maintenant que nous (pays développés) avons bien participé à l’entreprise. Faudrait pas qu’ils fassent comme nous (mais on dit pas ça pour sauvegarder nos intérêts, non nous c’est la planète qui nous rend sensibles, planète qu’on veut pouvoir exploiter encore longtemps) ;
  • l’hypocrisie de défenseurs sans doute bien intentionnés qui savent faire l’impasse sur leurs propres consommations énergétiques personnelles peu justifiées (sont visés les gros donateurs qui ont les moyens de prendre un jet) et servent leur morale à toute la plèbe (je sais pas pourquoi ça m’a rappelé l’image que j’ai eu de Dicaprio quand j’avais cru comprendre que c’était un grand défenseur de l’environnement) ;
  • le fait (selon Crichton, j’ai pas fact-checké ce qu’il avance mais je suis ouverte à un jour apprendre son contraire) que des prévisions souvent faites sur des modèles informatiques ont une marge d’erreur énorme et que de nombreuses prévisions avaient déjà été faites qui ne se sont pas réalisées ;
  • le fait que potentiellement le contrôle du climat n’est pas censé être à notre portée, peut-être que notre évolution est « censée » amener un changement climatique, peut-être que c’est l’adaptation de la Terre à sa population en quelque sorte et que soit nos organismes s’adapteront soit on disparaîtra et pourquoi ne le devrait-on pas ? (je précise quand même que j’aime vivre, mais à l’échelle de l’univers pourquoi ce serait mal et on ne serait pas juste dans un cycle normal qui conduirait à notre perte?) ;
  • l’idée que se détourner de l’utilisation des énergies fossiles n’est pas nécessairement à voir comme une prévention contre l’épuisement des ressources mais plus simplement parce que ça serait une évolution normale des choses, des connaissances, des capacités (en gros pas la peine de jouer les sauveurs qui tentent des trucs, on y serait venu normalement (ou paaas)) ;
  • l’exemple du parc national de Yellowstone et l’envie de contrôler son écosystème, d’éradiquer des espèces pour se rendre compte que ça perturbe l’environnement finalement et permet TROP à d’autres espèces de se développer. Ce qui soulève l’idée générale de vouloir préserver un climat, un environnement dans des endroits mais qui dit « préserver » veut en fait dire « préserver tel qu’il était à un instant T » et donc refuser l’évolution qui peut être vue comme négative alors qu’avant que ce soit ce que c’était ça a déjà connu des évolutions et des bouleversements climatiques car la vie existe depuis des milliards d’années et n’a pas à être comme on voudrait qu’elle soit. Et plus largement je dirais que la vie/la survie c’est l’adaptation, mais pour s’adapter ça implique qu’il y ait eu des changements, donc quelque part lutter aussi fort pour conserver un habitat identique semble in fine quasi contre-nature. Et donc on se bat pour ça au nom de la nature ? En vrai j’ai pas d’idée définie mais y a un truc pas clair ;
  • le fait que l’écologie soit autant politisée, je n’ai jamais compris pourquoi et en quoi l’écologie serait censée être l’apanage de la gauche, ou encore plus précisément d’un parti dédié. Pour moi ça doit être une considération qui doit faire l’objet de mesures et d’idées dans chaque parti et il n’y a pas nécessairement qu’une ligne à suivre en la matière (que ce soit pour contrer ou accepter en s’adaptant ou prévenir les conséquences que ça aurait sur des vies humaines ça doit être un sujet de préoccupation) ;
  • et surtout le fait qu’on ne soit jamais sûr de rien donc qu’on devrait garder un peu d’humilité.


En conclusion

Alors comme d’hab avec Crichton – ce boss – ça m’a nourrie de pensées (oh certes pas nécessairement lumineuses). Qu’est-ce que c’est plaisant de renverser des idées parce que tout est possible. On me dit souvent que j’ai un esprit de contradiction ce qui est peut-être vrai mais en même temps dans ma tête c’est obligé que je pense à l’inverse. Pas pour faire chier, juste j’aime l’exercice d’envisager les choses autrement et je crois que je veux lutter contre les certitudes et j’aime contrer parce que je trouve ça important de se rappeler qu’on ne sait pas vraiment, que tout est possible et que tout peut se tenir et a sa raison d’être.


Néééééanmoins l’intrigue était vraiment chiante. La résolution de toute cette histoire est tellement lapidaire qu’on en comprend que même lui il s’en fout c’était pas le but.

Une part de moi me voit comme une traîtresse de mettre une note si basse vu tout ce que je semble en avoir retiré mais j'en attendais quand même une histoire en le commençant et pour moi c'était trop peu aboutit, trop peu convaincant (dans la fiction, pas dans les idées politico-écologico-scientifico-philosophiques).


Au premier tiers du livre je suis tombée sur le même marque-page que le mien. Sans doute mon père qui avait abandonné à ce stade du bouquin et je comprends tellement.

Du coup je passe en-dessous de la moyenne parce que j’aurais presque pu me contenter de ses quelques pages en fin de livre « Message de l’auteur » et « Annexe 1 : Pourquoi la politisation de la science est dangereuse » pour y trouver ce qui m’a plu.

D’ailleurs j’ai aussi aimé sa bibliographie (que je me suis pas faite chier à lire réellement) mais qui était ponctuée parfois de commentaires de l’auteur comme s’il était sur SC. Ça rendait plus vivant sa présentation même si les 2000 références n’incitaient pas à trop s’y attarder. J’ai retenu celle qu’il donnait relative au parc national de Yellowstone Playing God in Yellowstone : The Destruction of America’s First National Park. Ça vend du rêve et du drama. À voir si d’ici à ce que je retombe dessus dans mes envies j’en aurai toujours quelque chose à foutre.



Encore une fois Crichton me paraît (à tort ou à raison) tellement cultivé, nuancé, imaginatif, que je regrette qu’il soit mort parce que ça m’aurait presque intéressée d’avoir son sentiment sur ce qu’il pensait avant, ce qu’il penserait maintenant, la lecture qu’il aurait des choses etc. Ça m’arrive pas souvent mais je le pense quasi à chaque fois que je finis un de ses livres.

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le 22 sept. 2024

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