Bien sûr, quelle frustration de ne pouvoir découvrir en version originale ce roman en vers composé en 7 ans par Pouchkine (entre 1823 et 1830), son grand œuvre et peut-être LE texte qui condense le mieux l'âme russe (nombreux sont les Russes à en connaître par cœur l'incipit).
Néanmoins, la traduction rimée signée Nata Minor est à saluer bien bas, qui a su conserver la musique et l'harmonie de ce texte magistral. La version française m'a parue d'une grande qualité rythmique et poétique, ce qui était une gageure devant une œuvre pareille.
De quoi parlent donc ces huit chapitres ? De la vie d'Eugène, un dandy désabusé, lassé de tout, baîllant dans les fêtes où l'entraîne son comparse Vladimir, enchaînant les conquêtes de coquettes mais s'ennuyant, s'ennuyant terriblement. J'ai été saisie de découvrir avant l'heure une forme de "spleen" russe que Baudelaire n'aurait pas renié, ce côté blasé des plaisirs qui n'attend plus rien de la vie et semble spectateur mélancolique de sa propre existence. L'une des singularités de ce roman en vers, c'est également les fréquentes interventions de l'auteur, qui commente et critique son propos, fait un pas de côté pour épancher son espoir d'avoir au moins produit un vers qui restera et qui s'adresse régulièrement à ses lecteurs, jusqu'à la dernière ligne.
J'ai trouvé le procédé d'une grande modernité et très chaleureux, qui crée une proximité par-delà les siècles entre auteur et (lointains) lecteurs.
"Ami des douces rêveries,
Qui va préserver de l'oubli
Mes vers frivoles et errants.."
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