Je comprends pourquoi Bernanos aimait tant Balzac quand je vois à quel point certains des personnages de ce roman sont touchants. La douce Eugénie, la mère Grandet et la fidèle servante Nanon en sont des exemples frappants : des femmes douces, gentilles et résilliantes, contrastantes totalement avec tous les autres personnages de ce roman : froids, calculateurs et cupides.
Commençons par le père Grandet, un vieil avare ayant amassé une immense fortune. Un homme sans coeur qui ne ressent rien à la mort de son frère si ce n'est la joie de pouvoir faire une bonne affaire. Un homme qui sacrifie son bonheur familial sur l'autel du dieu Argent mais pourquoi ? vivre dans un taudis de Province supportant les flatteries des courtisans de sa fille.
Enchainons avec Charles Grandet, le cousin d'Eugénie. Un jeune oisif qui après le suicide de son père et sa faillite part aux Indes faire fortune. Un homme qui promis un amour éternel à la pauvre Eugénie mais qui le renie à la première occasion pour faire un bon mariage.
Puis enfin terminons avec les courtisans : les familles Cruchots et Des Grassins. Cette meute de hyènes qui tourne autour des Grandet pour espérer marier leur héritier respectif à la belle petite dot d'Eugénie.
Tout ce difficile environnement semble, à nous lecteurs, rude et difficile à vivre pour Eugénie, sa mère et Nanon. Mais non. Ces trois femmes tiendront, et toujours, malgré les difficulté, la tête haute et généreuses. Cette petite Eugénie qui trahie par Charles aurait pu devenir une autre Mouchette (Sous le Soleil de Satan ou Nouvelle Histoire de Mouchette de Bernanos) mais non celle-ci reste dans le droit chemin sans fléchir. Enfermée par son père, elle reste solide et endure la privation, le coeur guidé par l'Amour, celui avec un grand «A» qui la pousse à rembourser les dettes de son traitre de cousin pour qu'il puisse faire son mariage. Elle qui riche et seule continue à vivre une vie simple et à donner de sa fortune pour embellir le monde. Une belle âme comme il s'en fait si peu sur cette Terre.
Je termine cette critique à chaud par une citation de la conclusion de ce très beau roman :
«Eugénie marche au ciel accompagnée d’un cortège de bienfaits. La grandeur de son âme amoindrit les petitesses de son éducation et les coutumes de sa vie première. Telle est l’histoire de cette femme, qui n’est pas du monde au milieu du monde ; qui, faite pour être magnifiquement épouse et mère, n’a ni mari, ni enfants, ni famille.»