Sommet de la SF

Après un premier tome plus simpliste que le reste de la saga, Asimov s'attèle réellement à la tâche qui est la suivante : l'influence d'une société ultra-robotisée et de la colonisation d'autres mondes. Alors que ces thèmes n'étaient que partiellement abordés dans Les Cavernes d'Acier, l'auteur-scientifique les creuse dans ce livre. En effet, on quitte la Terre en quelques pages pour découvrir un monde fraîchement colonisé, ce qui est un des piliers de la littérature SF. Voir comment les écrivains imaginent des planètes différentes de la nôtre est souvent intéressant, surtout quand la rationalisme si cher à Asimov est présent. Solaria, donc, permet de parler de la folie humaine, tout comme dans l'opus précédent, mais d'une manière différente. Alors que les Terriens sont les uns sur les autres, les Solariens ont cherché à devenir l'opposé, en ne se voyant quasiment plus en chair et en os! Quel destin triste mais captivant. Mon auteur fétiche a en effet le chic pour imaginer des situations pessimistes tout en les justifiant par nos erreurs d'humains. Qui aurait envie de vivre de cette manière, avec des millions d'hectares et des milliers de robots à disposition mais personne avec qui communiquer? Des névrosés, donc, qui via leurs gènes prennent tous le chemin fou réservé aux habitants de cette planète.

Le retour de nos deux héros est évidemment très plaisant, surtout grâce à l'évolution dans leur relation : si Baley ne voit plus Daneel comme un ennemi, ce dernier est cependant toujours aussi "robotique" et "parfait". Mais Asimov va plus loin en développant le débat sur les 3 Lois de la Robotique et en les remettant (déjà) en question par le biais de son détective. Ce sempiternel conflit entre Humains & Robots est donc engagé pour de bon cette fois-ci, les Robots pouvant être mal utilisés par les Humains malgré leur soi-disant incapacité à faire du mal à ces derniers. C'est donc encore et toujours l'humanité si mauvaise qui arrive toujours à s'approprier des choses au nom du Mal. Ceci est fait de manière subtile, le coupable du meurtre (encore une affaire de meurtre, comme dans le premier livre) n'étant qu'une conséquence logique de la folie humaine, les hommes n'arrivant donc jamais à vivre en paix à cause de leur instabilité.

Au-delà de cette affaire, Asimov réussit à construire une histoire romantique entre deux personnes qui ne se toucheront brièvement qu'une fois. Son génie est partout. Ce personnage féminin si intéressant car déviant de la norme est très touchant, et l'on ne peut s'empêcher d'évoluer avec Baley, qui n'est pas indifférent vis-à-vis cette dernière. Cette presque-histoire d'amour est d'autant plus belle parce qu'elle ne se réalise pas complètement, en tout cas pas physiquement. Encore un peu court, ce livre est excellent et n'a pas pris une ride, de par son écriture et son propos, et justifie à lui-seul cette saga si incroyable.