Mannahatta
Il y a Walt Whitman qui pose les mots sur une feuille en rêvant. Qui les dispose avec soin, qui griffonne, efface, barre, reprend. En rêvant. Le rêveur de Manhattan et de l’Amérique à pieds nus. Et...
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le 18 févr. 2015
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Ouvrir les Feuilles d'Herbe à n'importe quelle page, n'importe où, et faire l'expérience insolite de ce flot de poésie monumentale que n'auraient sans doute pas boudés les aèdes antiques, ni quelque prophète prêchant du haut d'une montagne: L'incantation de Whitman chante l'esprit pionnier et la vigueur du progrès, la liberté des corps et la beauté de leurs efforts, même dans la guerre. La magnificence de la nature et l'urgence d'y vivre chaque seconde comme une apothéose:
Ode à la vie et à la mort, évangile lyrique du nouveau monde, liturgie humaniste et matérialiste de la démocratie en marche qui reconnaît en chaque individu une singularité inaliénable, nécessaire et consubstantielle de ce que les anciens grecs nommaient Œkoumène: Le monde anthropisé, la nature immense faite jardin d'abondance, l'humanité et son infatigable industrie.
Dans cette perspective positiviste athlétique, Whitman oppose aux héros aristocratiques de l'ancien temps l'égalité absolue de tous les hommes: Nous sommes tous les héros. Chacun de nous est le dieu vivant, et mortel, d'un univers de phénomènes et de relations enlacées. Et dans ce panthéon démocratique vagabonde le double divin que s'est créé l'auteur pour dialoguer indéfiniment avec nous, celui auquel nous tous avons droit, et auquel tout lecteur peut s'identifier: Walt Whitman.
« Voir, entendre, toucher, sont des miracles et chaque partie et chaque particule de moi-même est un miracle.»
Amen.
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le 13 janv. 2023
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