Le recueil aux nouvelles qui bifurquent
Voilà, je n'ai mis "que" 7. Avec la sensation bizarre de commettre un crime de lèse-majestad. J'ai aimé les thèmes pourtant, la variété des contextes et le sentiment de cohérence que le recueil dégage malgré tout. Borges esquisse des personnages aux identités mystérieuses ou trompeuses, et s'amuse à semer la confusion entre réalité et rêves, légendes ou manipulations. Ça me parle. Au sein de cette constante, pas mal d'intrigues sur notre relation au temps ou sur la transmission du savoir (par les livres, la parole, les jeux d'indices...). Ça fonctionne bien voire muy bien sur la moitié des nouvelles, lorsque la bonne idée de départ est enrichie par une intrigue ingénieuse et une fin qui reconstitue le puzzle en montrant le tout sous un jour nouveau.
Seulement il y a ce style, volontiers précieux et pédant, et la musique pénible qui en résulte. Ça cale, ça ronronne, et au final ça ne fait pas assez décoller l'imaginaire. Comme une belle excursion, mais avec le guide un peu gonflant que tu veux parfois pousser dans un ravin (il y voyait pas à 3 mètres en plus, un jeu d'enfant). L'idée de départ est toujours intéressante pourtant, et lorsqu'elle accouche d'une souris, on devine frustré la bonne histoire que ça aurait pu donner avec moins de chichis et davantage de vif du sujet, comme ce format ultra-court en réclame. En comparaison Cortazar m'a mieux happé, même si Borges est le plus érudit des deux.
Mitigé donc, mais l'avantage des nouvelles c'est qu'on pourra toujours repiocher dedans en fonction de ce qu'on a préféré.