Fictions
7.9
Fictions

livre de Jorge Luis Borges (1944)

Fictions est de ces Ossian, Paradoxe du crétois et autres Jean-Baptiste Botul.


Trois astres littéraires trônent dans le ciel des Fictions de Jorge-Luis Borès et pétrissent le monde qu'elles dépeignent.


De fait, Fictions est un recueil de deux recueils qui porte le nom Fictions.
Or, qu'est-ce qu'une fiction? L'art de feindre. Les Fictions que Borgès sont donc une suite de feintes plus virtuoses les unes que les autres. Des feintes nées des artifices ingénieux d'un esprit droll qui joue à perdre son lecteur. Des artifices, ars et facio, faits avec arts, destinés à feinter, qui donnent leur nom à la deuxième section du recueil.
Mais n'allez pas songer pour autant que Borgès est feignant. Non!
Démiurge, il crée des mondes (la Bibliothèque et la Loterie de Babel, Uqbar Orbis Tertius) des oeuvres ( History of the land called Uqbar de Silas de Silas Haslam), des auteurs - quand il ne s'agit pas d'auteurs fictifs auxquels ils prête une vie réelle, n'est-ce pas, mon cher Dr Watson? - (Philippe Ménard, Herbert Quain,Ts'ui Pên) et des citations, dont la plus représentative de l'effet sur ses lecteurs de ses Fictions: "Les miroirs et la paternité sont abominables parce qu'ils (...) multiplient et (...) divulguent [l'univers] ".
Car en effet, Borgès perd son lecteur dans de très courtes fictions qui lui font perdre pied: on ne sait vite plus qui crée et qui est créé, habilement abandonné dans des ruines circulaires. Qu'est-ce qui est miroir du monde et de quoi Borgès peut-il se réclamer le père? Bien malin qui le saura car il semble que Borgès ne le savait plus lui-même.


Ce qui m'amène au second astre.
En plus de celui du fantastique qui lie inextricablement leurre et mimétisme du réel, sa terrible mais jouissive conséquence: le labirynthe.
Le Jardin aux sentiers qui bifurquent et les Ruines circulaires ne sauraient être de meilleures périphrases pour cet incomparable dédale littéraire où les jeux sur les nom ( Lönrot, Albert) comme les épigraphes (celui tiré d'Alice en particulier) servent de fil d'Ariane.
Mais qui peut se fier à Ariane là où, comme le dirait Pascal, "le centre est partout et la circonférence nulle part"? Là où tout est géométrie et figures pour mieux perdre le voyageur?
Deux clefs: les nombreuses références aux Mille et une nuits et les variations sur le Martin Fierro de José Hernandez. Borgès s'improvise le héros gaucho, le Dom Quichotte ménardien pour secouer et réveiller le monde endormi dans ses certitudes en usant de plusieurs petites fictions qui l'amène à mettre le désordre où semble l'ordre, à poser la question où s'impose la convention et le principe, à s'étonner et se surprendre du monde environnant comme dans les contes orientaux. Pour empêcher que le sommeil de la raison (que d'autres appellent le monde comme il va) n'engendre des monstres, comme dit le peintre au nom d'une chanteuse pour enfants.


En somme, même si "définir" implique "réduire", comment définir en peu de mots l'incommensurable Fictions de Jorge-Luis Borgès?
Un labyrinthe entre réel et irréel composé de plusieurs petits labyrinthes entre réel et irréel.
A vous de voir maintenant si cette critique n'est pas une fiction.

Frenhofer
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le 24 juin 2016

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Frenhofer

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