Fille
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Fille

livre de Camille Laurens (2020)

Autobiographie ? Autofiction ? Autopersonnagination ? Écriture de soi ?...

Va savoir, Charles !
L’autofiction est le récit d’événements de la vie de l’auteur sous une forme plus ou moins romancée.
Pour Serge Doubrovsky, qui a baptisé ce genre (des textes d’autofiction existaient bien antérieurement), l’autofiction est une « Fiction d’événements et de faits strictement réels ; si l’on veut, autofiction, d’avoir confié le langage d’une aventure à l’aventure du langage, hors sagesse et hors syntaxe du roman, traditionnel ou nouveau ».
Vous y comprenez quelque chose, Vous ?
Quant à l’auteure, elle préfère parler "d’écriture de soi".
L’auteure ? Camille Laurens, née à Dijon en 1957, écrivain(e), de son vrai nom Laurence Ruel. Elle est membre de l'Académie Goncourt depuis le 11 février 2020. Agrégée de lettres modernes, elle a enseigné à Rouen en Normandie, puis à partir de 1984 au Maroc, où elle a passé douze ans. Depuis septembre 2011, elle enseigne à l'Institut d'études politiques de Paris.
Elle a écrit une vingtaine de romans, récits et essais.
Fille est son dernier roman (Août 2020).


Un résumé ?
Premiers mots du premier chapitre : « C’est une fille. »
Derniers mots du dernier chapitre : « C’est une fille. »
Et pour combler votre curiosité, derniers mots de l’épilogue : « …c’est merveilleux, une fille. »


Ben voilà, vous êtes sur la voie ? Ici on parle de « Fille », oui, mais laquelle ?
Le titre renvoie à celui de Serge Doubrovsky, qui publiait « Fils » en 1977. Pas d’ambigüité, là, il y a filiation. Mais dans « Fille », qu’est-ce que c’est ? Le genre ? Ou la fille de quelqu’un ?
Voilà que je me prends pour l’auteure, qui joue avec les mots une bonne partie du livre, avec une dextérité que je n’ai pas : « naître fille, c’est n’être qu’une fille. »


N’allez pas croire que ce livre ne parle que des filles ! On y parle presque autant, des garçons. Dans ce roman en trois parties couvrant trois naissances, l’auteure se penche sur la condition féminine, la définition du mot « fille » étant interrogée du début à la fin. Sur "France-Culture", l’auteure confie « "Fille", c’est d’abord un mot, et toute la langue charrie l’infériorisation qui, depuis des siècles, est attribuée au sexe féminin. Tout ce qui est féminin dans la langue et dans la grammaire prend cette connotation négative. "Le masculin l’emporte sur le féminin", bien-sûr, c’est de la grammaire, mais c’est aussi vrai dans la vie ! La langue nous modèle et nous structure profondément et inconsciemment. »


J’ai médité sur le dialogue de la mère et sa fille sur la peur :
- La fille : « …une femme vit sans arrêt sous la menace, et très tôt dans sa vie. Sinon, pourquoi tu m’as appris à me défendre, quand j’étais petite ? Tu te souviens, pif paf ? (Elle mime le coup de genou) C’est parce que tu avais peur pour moi. Parce que toutes les femmes ont peur, c’est tout. […] Une femme menacée, c’est un pléonasme. »
- La mère : « Admettons. Mais la peur de ne pas être à la hauteur, la peur de mal faire, de ne pas y arriver, la peur d’échouer, ça concerne bien les hommes aussi, non ? »
- La fille : « La différence, maman, entre hommes et femmes, tu vois, c’est que les hommes ont peur pour leur honneur, tandis que les femmes, c’est pour leur vie. Le ridicule ne tue pas, la violence, si. »


À qui s’adresse ce roman ? Devinez ? Aux filles, bien sûr, aux mamans, évidemment, vous vous y reconnaitrez, l’auteure est clairvoyante, vous y apprendrez les garçons… Il s’adresse aux garçons incontestablement pour lever un peu ce voile mystérieux : Qu’est-ce que c’est une fille, aujourd’hui ?


Dans ce roman d'une puissance remarquable, Camille Laurens montre le destin d'une femme confrontée aux mutations de la société de ces quarante dernières années.
La narratrice décline les grandes problématiques de l'éducation des femmes, de la domination masculine et de la transmission des valeurs féministes. Son parcours se fait l'écho de toutes celles qui furent élevées dans l'idée d'une supériorité des hommes.


Bon, OK, pas très littéraire comme chronique… Enfin, moi, homme, j’ai beaucoup aimé (et compati). Et j'accompagnerai le chanteur, en scandant haut et fort : « Femmes, je vous aime ! »

Philou33
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le 3 sept. 2020

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Philou33

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