Un pâle cheesy et sage "game of throne"

Avant même la lecture, j’ai apprécié le soin apporté au travail d’édition. Il y avait notamment des marque-pages qui figurent les quatre reines gouvernant le monde imaginé par Astrid Scholte. La carte de Quadara, ainsi que le regroupement des règles du royaume en début d’ouvrage posent les jalons de l’histoire à suivre et ouvrent l’appétit du lecteur. Demeure, la question du titre. Pourquoi conserver celui-ci en anglais ? Je n’en ai pas compris l’intérêt.
L’intrigue se déroule dans un monde divisé en quatre royaumes peu perméables qui ont leurs caractéristiques propres. Il y a de gros écarts entre ces « quadrants » : les Eoniens se rapprochent d’une société futuriste à la pointe de la technologie alors qu’Archia vit presque en autarcie et produit les ressources du royaume dans le respect des traditions ancestrales, sans même avoir accès à l’électricité. Ces divisions annoncent le manichéisme qui m’a un peu dérangée au cours de la lecture.
Voici ce qu’annonce la quatrième de couverture :
« Quatre Reines mortes, trois jours pour déjouer le complot. Deux amours interdites. Une fin que vous ne devinerez jamais »
D’emblée, le suspense, les jeux de pouvoir et la romance sont mis en avant. Mais selon moi, la comparaison avec Game of throne, plaquée sur la couverture s’arrête là. En effet, les deux histoires ne s’adressent pas du tout au même public. Four Dead Queens est un roman de Fantasy qui se rangerait plutôt dans la catégorie Young Adult. La lecture en est très simple et les meurtres exclus, il n’y a aucun élément particulièrement choquant. Ma soif de spectaculaire et de complot n’a donc pas été satisfaite.
Le roman est divisé en chapitres qui basculent du point de vue de l’héroïne principale, Kéralie, à celui des quatre reines. Kéralie est une jeune « plongeuse », c’est-à-dire une voleuse de haut vol qui travaille pour le compte de Mackiel, une crapule à la tête d’une salle de vente douteuse. Elle entretient avec lui une relation ambiguë. Par une série d’évènements fortuits, l’héroïne va se retrouver mêlée à l’assassinat des reines de Quadara et nous emmener avec elle dans son enquête semée d’embuches.
L’originalité tient au fait que nous savons que ces meurtres vont inéluctablement avoir lieu puisqu’ils sont annoncés dès le titre. Malgré cela, le lecteur est tout de même poussé par la curiosité. Le roman se lit donc avec plaisir. L’auteur ménage de nombreux rebondissements et profite des mésaventures de ses personnages pour nous faire découvrir les différents royaumes de Quadara. Sur le papier, le roman a donc tout pour plaire.
Malheureusement (peut-être à cause de mon grand âge !) l’alchimie n’a pas fonctionné avec moi. Le développement et les rebondissements de l’intrigue manquent de finesse. L’élément de révélation principal m’a semblé particulièrement tiré par les cheveux. Je ne vais pas détailler pour ne rien dévoiler aux futurs lecteurs mais l’utilisation du « deus ex machina » est grossière et artificielle. Dommage car jusque-là, même si quelques éléments m’agaçaient j’étais plutôt convaincue par le déroulement de l’enquête. D’autre part, la mécanique narrative du roman laisse beaucoup de place aux répétitions. Les scènes de meurtre sont « vécues » trois fois par le lecteur (point de vue de la victime, enregistrement et point de vue de Kéralie). Ces changements de point de vue sont mal maîtrisés et n’apportent rien de très nouveau. C’est donc par certains aspects très redondant.
Dans un autre registre, certains personnages manquent de profondeur et de cohérence. Dès l’introduction, on nous informe que les Eonistes ne se laissent pas dominer par leurs émotions. Ils sont éduqués pour ne rien ressentir. Or tous les personnages éonistes rencontrés sont des exceptions… Un modèle conforme manque pour que le lecteur croit vraiment à cette particularité. D’autre part, le roman met en avant essentiellement des figures féminines. Ce serait très positif si toutes ces femmes n’étaient pas finalement gouvernées par des hommes qui tirent les ficelles ou par leurs sentiments. Elles sont rendues esclaves de leur amour et de leurs pulsions, ce qui ne les sort pas du cliché habituel. Pour donner un exemple, à un moment déterminant et crucial de l’histoire, Kéralie, au lieu d’agir, s’octroie une pause bisouillage et laisse ainsi la situation se dégrader. Pour un personnage jusqu’ici réfléchi, réactif et motivé, cet écart est décevant et agaçant.
Pour conclure, je dirais que ce roman vif, entraînant et intriguant saura ravir les jeunes lecteurs mais laissera peut-être sur leur faim les dévoreurs de fantasy plus aguerris.


Critique à retrouver sur le mouton curieux

titaboris
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le 7 juil. 2020

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