Je ne m'étais pas encore aventuré à critiquer ici un roman, mais je vais tenter ma chance tout de même. Car Fragile/s est un roman des plus intéressant.
Auditeur de la première heure de Réalisé sans Trucage, le podcast qui analyse l'actualité du cinéma, j'ai pu y découvrir Nicolas Martin, et ses analyses et visions pertinentes, et toujours engagées. Et c'est avec curiosité que j'y avais entendu parler de son premier roman de science-fiction. Et en tant qu'ancien présentateur d'une hebdomadaire dédiée à la science sur France Culture, le mélange m'intriguait.
Et Fragile/s est un roman très bien tenu, qui m'a totalement absorbé et que j'ai dévoré en 2 jours, montre en main ! Ainsi, N. Martin nous plonge dans une société française où la baisse de la fertilité et les handicaps de plus en plus fréquents des enfants arrivés à terme pousse son gouvernement autoritaire à recourir à un programme de natalité organisée et génétiquement orientée pour résoudre la question...
Et là, les références cinématographiques sont évidentes : Les Fils de l'Homme, We Need to Talk About Kevin, mais surtout le méconnu Ces Garçons qui venait du Brésil, où une organisation secrète travaille à cloner et faire grandir des copies d'un dictateur allemand moustachu très célèbre...
L'auteur dépeint avec brio une société française fascistoïde qui rappelle à s'y méprendre à la nôtre contemporaine. Si les conditions et les lois n'y sont pas les mêmes, elle pourrait être celle qui nous attend, sans trop de paranoïa (dernier exemple en date, une loi italienne criminalisant la GPA qui aurait toute sa place dans la France de Fragile/s : https://www.mediapart.fr/journal/international/271224/en-italie-le-pouvoir-mene-une-chasse-aux-sorcieres-contre-les-familles-homoparentales). Mais, au final, le plus important ici est que l'autoritarisme, la violence d'Etat, ne sert à qu'à une chose : cacher et pallier à l'incompétence de ses dirigeants. Car à la fin la société fasciste, fait s'effondrer le château de carte branlant qu'elle a construit, car elle a détruit tout ce qui la maintien : corps intermédiaires, recours à la science, contres-pouvoirs...
Du côté des personnages, on suit un personnage principal, Typhaine, qui permet de dépeindre le retour à une société encore plus machiste et patriarcale, et notamment les enfermements chimiques auxquelles une société peut soumettre ses femmes...
Petit bémol, une dernière partie plus descriptive, moins collée au personnage, qui offre une conclusion, qui pour moi, arrive trop rapidement, conclu le propos politique du récit, mais n'arrive pas à finir les trajectoires des personnages, laissant des questions en suspens...
Un solide premier roman !