France fascistoïde où un ectoplasmique gouvernement néo-patriote mène une guerre acharnée à la natalité, voilà le carcan de base de Fragile/s, le premier roman du journaliste, animateur d'émissions radio et de podcast (Réalisé sans trucage) Nicolas Martin. Si à cette première phrase on pourrait croire à la description du gouvernement d'Emmanuel Macron, il n'en est (presque) rien : Fragile/s se situe dans une France futuriste, où la natalité s'est effondrée à cause - notamment - du syndrome du X fragile.
Le roman se concentre sur Typhaine, profitant de la position dominante de son mari pour s'infiltrer dans le programme expérimental de génoembryologie du gouvernement. Après avoir donné naissance à Madeleine, une fille atteinte de cette douloureuse pathologie, ce projet scientifique lui promet un second enfant sain. Une bouffée d'espoir pour ce couple plombé par la maladie sacrément handicapante de leur fille. Du moins, c'est ce qu'ils pensaient...
Au premier abord, Fragile/s pourrait donner l'impression d'une science-fiction froide, explorant son concept à fond plus que ses personnages. Une Servante écarlate mêlant accents orwelliens et une part d'Herbert dans sa précision scientifique. Or il n'en est rien ! Si Nicolas Martin colle effectivement à des réalités scientifiques qu'on sent fouillées et étudiées, son premier roman ne se concentre pas sur son concept (aussi passionnant soit-il), mais sur la chair même de ses personnages.
Fragile/s est incarné. La situation de Typhaine - et par extension de sa petite cellule familiale - prend aux tripes. Les relations inter-personnages sont fouillées. On n'est bien loin de ces récits de SF qui se larvent dans une technicité pornographique en estompant toute carnation. A mesure que la narration se déroule, on se laisse prendre à l'inéluctable piège tendu aux personnages du roman, et cela notamment grâce à une forme particulièrement bien travaillée.
Récit à la première personne, changements de points de vue, retranscriptions, Nicolas Martin fait passer dans son texte (mais aussi dans sa mise en page) les relations de domination qui mâtinent le récit. Un roman d'une certaine épaisseur (plus de 400 pages) qu'on avale pourtant goulument, tout pris que l'on est par cette histoire aux racines profondes, questionnant aussi bien sur le rôle de la parentalité que sur le lent et sournois glissement totalitaire que peuvent aisément prendre nos sociétés.
Bref, un thriller psychologie haletant, à découvrir au plus vite !