Germinal est immense, dans tous les sens du terme. C'est une oeuvre extrêmement riche, une fresque débordant de détails, si bien qu'il est particulièrement complexe d'en offrir une analyse approfondie. Je me contenterai donc ici de résumer ce que j'ai compris du sens global de l'oeuvre et de souligner certains aspects qui m'ont frappé au cours de sa lecture.
C'est premièrement le style naturaliste de Zola, qui impressionne par sa précision incisive, son sens du détail et son obsession de la vérité terriblement journalistique, qui est l'intérêt principal de l'oeuvre. A chaque paragraphe, l'auteur peint un tableau hyperréaliste de misère et d'oppression. Cette pauvreté qui est le quotidien des travailleurs, est dépeinte de façon extrêmement crue, presque agressive pour le lecteur. La violence est partout dans Germinal, et certains passages (la scène d'émasculation de l'épicier Maigrat, qui offre une violence quasi-visuelle) relèvent carrément de l'horreur. Et ce style naturaliste n'est pas incompatible, contrairement à ce que l'on pourrait penser, à l'abondance de figures de style (partie V, chapitre 5, l'hallucinante description de la révolte des mineurs, qui forment comme un seul bloc compact dans lequel on ne discerne plus que des bouts de jambes, de bras, et des armes de fortune) et à la présence de multiples niveaux de lecture.
J'aime par exemple à considérer Germinal avant tout comme un roman d'apprentissage, et l'aventure d'Etienne Lantier comme un parcours initiatique. Au début jeune et ne connaissant rien au monde du travail, Etienne va voir sa conscience sociale s'éveiller au fur et à mesure de son séjour à Montsou, notamment grâce à Souvarine, qui peut être vu comme son mentor.
Finalement, le titre "Germinal" peut-être vu de plusieurs façons... Bon évidemment, il désigne cette naissance, ou cet éveil, de la conscience sociale et de l'esprit de révolte chez la classe ouvrière, avec cette métaphore de la germination des plantes, présente à la toute fin du roman. Germinal est également le septième mois du calendrier républicain, créé pendant la révolution. Le titre connote donc ici aussi une période révolutionnaire, une révolte populaire due à la misère. En provoquant chez le lecteur ces sentiments d'oppression et d'indignation, c'est Zola qui réussit à faire germer en lui la graine de la révolte. Le roman devient alors un outil de transmission de connaissances et d'engagements extrêmement puissant et la fin, envolée d'espoir après de longues péripéties tragiques, constitue un encouragement de l'auteur au lecteur, pour perpétuer cet esprit de rébellion, cette indignation, cette dignité...
"Encore, encore, de plus en plus distinctement, comme s'ils se fussent rapprochés du sol, les camarades tapaient. Aux rayons enflammés de l'astre, par cette matinée de jeunesse, c'était de cette rumeur que la campagne était grosse. Des hommes poussaient, une armée noire, vengeresse, qui germait lentement dans les sillons, grandissant pour les récoltes du siècle futur, et dont la germination allait bientôt faire éclater la terre."
(critique rédigée en septembre 2017, corrigée en août 2018)